Quand je quitte le cabinet vers 20 heures, pour retrouver les miens qui m’attendent avec patience, apaisé par des baisers et du Chardonnay, je suis fier de ma journée.
En 12 heures de consultation, j’ai diagnostiqué une pyélonéphrite chez une jeune femme, traité une prostatite aigue, apaisé une patiente présentant des adénopathies évocatrices de maladie de Hodgkin et organisé les consultations d’un patient à qui je viens de découvrir une LLC, tout cela au milieu de nourrissons à vacciner, fébriles ou présentant des rectorragies, au milieu de patients grippés, déprimés, fatigués.
Une journée (extra)ordinaire.
Quand je quitte le cabinet, je suis fier de pouvoir exercer une médecine libre.
J’ai pu librement contacter un compétent confrère radiologue qui comme moi travaillait encore à 13h10 afin d’éliminer un obstacle à cette PNA atypique.
j’ai pu librement adresser mes patients en urgence à mon laboratoire de proximité pour obtenir confirmation de mes diagnostics.
J’ai pu librement prescrire de la Rocéphine, en adéquation avec les recommandations.
J’ai pu librement adresser un mail à un Professeur d’hématologie qui m’a répondu rapidement, librement.
Mes chers confrères, avant de penser aux consultations supplémentaires que pourrait entraîner le tiers payant généralisé, avant de penser aux difficultés pour récupérer vos honoraires auprès des différentes mutuelles, avant de réclamer deux euros qui nous sont dus depuis tant d’années, pensez à cette liberté, la seule qui nous reste, celle de prescrire. Cette liberté que nous allons définitivement perdre en nous laissant assujettir aux complémentaires santé.
Mes chers patients, avant de vous réjouir d’une consultation annoncée comme gratuite alors qu’elle nous vous coûte soit rien (CMU, ACS, ALD) soit un euro, pensez à cette liberté que perdront vos médecins en acceptant le tiers payant généralisé. L’Etat abandonnera progressivement la Santé aux complémentaires qui vont devenir les maîtres de votre santé. Les financiers sont prêts à tout dévorer, notre liberté, votre santé et le secret médical.
Une journée (extra)ordinaire, mais jusqu’à quand ?
C’est à nous tous de choisir.