Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025 étudié en première lecture le 10 octobre à l’Assemblée Nationale, amendé et adopté au Sénat le 8 novembre et enfin validé en Commission Mixte Paritaire le 26 nov. 2024 est l’exemple d’une politique sanitaire sans vision : maltraitante pour les soignants, délétère pour les patients et suradministrant notre système de santé. Texte de la commission, n° 638-A0 – 17e législature – Assemblée nationale
Alors que de nombreux acteurs, en particulier l’UFMLS, appellent de leurs vœux à une véritable loi de programmation SANTE pour les 5 à 10 ans à venir, nous faisons face au détricotage annuel et sans ambition de notre système social et solidaire. Nous devons avoir le courage de mener des réformes structurelles pour favoriser le soin, les patients et les soignants en nous libérant de l’emprise d’une administration qui nous étouffe, contrôle et sanctionne.
En tant que syndicat, notre devoir est d’informer les médecins des articles adoptés en Commission Mixte Paritaire dont le texte, s’il était adopté par la majorité à l’Assemblée Nationale, s’imposerait.
Article 15 :
Des accords de maîtrise des dépenses devront être trouvés dans le champ de l’imagerie médicale et des transports sanitaires avant le 30 juin 2025. À défaut d’accord, M Fatome, Directeur général de l’UNCAM, pourra procéder unilatéralement aux baisses de tarifs afin de réaliser une économie de 300 millions d’euros pour chacune de ces activités, au cours des années 2025/2027.
Nous sommes face à une loi qui contraint les acteurs de notre système de santé à négocier une dévalorisation de leurs pratiques ou, à défaut, elle leur sera imposée.
Article 16 :
La prise en charge par l’Assurance Maladie d’un produit de santé ou de prestations associées d’actes médicaux ou de transports de patients peut être subordonnée, en cas de risque de mésusage ou si c’est coûteux, à la présentation d’un document justificatif rédigé par leprescripteur. Le prescripteur aura l’obligation préalable de consulter le dossier médical partagé (DMP).
En absence de justificatifs ou de consultation du DMP ou en cas de non-respect des indications de remboursement, le prescripteur devra informer le patient du non-remboursement de la prise en charge. La liste des médicaments et prestations relevant de cette nouvelle contrainte administrative sera définie par arrêté ministériel.
Cet article remet effrontément en cause le colloque singulier en dévoyant notre déontologie, dont l’obligation absolue du secret médical, mais aussi notre liberté de prescription et indépendance d’exercice, dans un but purement comptable. Il va de plus dégrader le soin par une extension du temps de non-soin et par une fragilisation du lien de confiance médecin-patient.
L’article 16 bis A définit les investigations, procédures et sanctions prévues lorsque l’organisme d’assurance maladie a connaissance d’informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude.
Or l’article 102 de la LFSS 2023 est redoutable en raison de la condamnation par extrapolation des indus, permettant à la CNAM après une évaluation de votre pratique sur quelques mois de réclamer des indus sur 3 ans voire 5 ans en cas de fraude. Article 102 – LOI n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 (1) – Légifrance
Les articles 16 bis B et E définissent une modulation de la rémunération des professionnels de santé selon 2 critères : l’acceptation d’utilisation d’un moyen d’identification inter-régimes immatériel (probablement la e-CPS), la consultation et le renseignement du dossier médical partagé (DMP).
Après la lettre-clé flottante, nous serions les victimes d’une rémunération sous conditions, variable bien plus à la baisse qu’à la hausse sur des critères purement administratifs. Or ce lien de subordination manifeste ferait des médecins libéraux les salariés de la CNAM, sans les avantages du salariat pour eux ni les charges de leur salariat pour l’Assurance Maladie.
Que l’Assurance Maladie en assume alors pleinement les conséquences en prenant en charge nos cotisations professionnelles, retraites et nos mutuelles santé : nous travaillerons alors 35h/semaine…
L’article 16 bis C permet à la CNAM de définir les orientations des organismes de son réseau relatives aux contrôles médicaux et confirme « l’indépendance technique des praticiens-conseils ». À cela s’ajoute un transfert des contrats de travail des praticiens-conseils.
Ce texte conforte notre inquiétude d’une perte d’une liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle des médecins-conseils, dont les services médicaux seront sous l’autorité directe de l’administration de l’Assurance Maladie.
Article 19 :
L’obligation des ordonnances de dispensation conditionnelle pour des médicaments en tension, en rupture ou à risque de rupture d’approvisionnement pourrait devenir la règle sur simple arrêté ministériel.
Nous voici encore contraints à un exercice sous conditions pour pallier l’incapacité de nos gouvernants à assurer un stock suffisant de médicaments pour la santé des Français. Notre pratique en sera alourdie et les patients les premières victimes.
En conclusion, si le PLFSS dans cette version remaniée n’est pas adopté, le Premier ministre imposera la version initiale complétée d’amendements défendus par le gouvernement via l’article 49.3. Quelle qu’en soit l’issue, on mesure à présent la contrainte imposée sur nos exercices par le dossier médical partagé (DMP) qui, d’un outil d’information et d’amélioration des soins au service des patients et des soignants, est devenu un vecteur de déremboursement et de modulation des rémunérations des professionnels de santé.
Les médecins libéraux, les syndicats, l’Ordre des médecins, mais aussi les associations de patients doivent s’opposer aux dangers de ce projet de loi.
Le bureau UFMLS