En miroir au livre du Dr Patrick Bouet, je me permets de vous livrer ici l’analyse de l’UFML-S et les solutions selon nous, à même de relancer notre système sanitaire .
Les gouvernements successifs, loin de comprendre qu’il fallait largement investir en une relance permanente de notre système de santé, se sont lancés dans une procrastination politique ; ils ont construit une médecine forfaitisée, chasseuse de primes et de subventions contre des engagements à respecter des indicateurs trop souvent choisis pour leur impact économique.
Leur responsabilité était de maintenir coûte que coûte le système sanitaire au plus haut niveau d’excellence, mais Bercy a vassalisé Ségur, et les comptables ont imposé les axes du système sanitaire.
La création de l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie par Alain Juppé en 1996 est l’acte fondateur de cette politique à priorité renversée où la dépense prime sur le gain, le chiffre sur l’apport humain et le bilan comptable sur l’impact sociétal. Désormais, toutes les décisions de politique sanitaire visent à respecter l’ONDAM validé chaque année dans la Loi de Financement de la Sécurité Sociale sans l’avis de ceux qui prodiguent les soins.
Toute l’erreur tragique de la politique sanitaire Française est là : avoir lié les pratiques médicales , les tarifs et les rémunérations des soignants à l’état économique du pays, alors que la crise est endémique depuis plus de 30 ans à force d’échec politique et avoir ainsi déconstruit notre système de soin.
Trente ans de dérives comptables et administratives, avec la création des Agences Régionales d’Hospitalisation puis de Santé et la multiplication des structures de surveillance et d’encadrement, ont créé une médecine sous contrainte désormais dirigée par le pouvoir administratif. Après avoir décidé que les médecins étaient coupables des dépenses, on a diminué leur nombre par la baisse du numérus clausus, et la création de primes au départ en retraite anticipée, en une ignorance coupable tant des enjeux démographiques à venir que des modifications structurelles de la profession ou des conséquences de l’abandon de pans entiers du territoire par une politique centralisatrice.
Les centres hospitaliers ont été regroupés alors que la pression économique dirigée vers l’hospitalisation privée faisait disparaître les petites structures, avec désormais d’un coté des hôpitaux usines, et de l’autre des méga cliniques aux mains de fonds de pension. Dans les deux cas on a justifié cela par la qualité des soins… On a oublié les mains qui soignent et loin de faciliter leur exercice on l’a complexifié, alourdi, on a créé de l’épuisement et du doute, augmenté les burn out, multiplié les drames, fabriqué de la pénurie !
Stratégie Nationale de Santé après Stratégie Nationale de Santé, cette politique est toujours à l’oeuvre, alors que l’urgence est à la relance de l’attractivité de la médecine libérale et hospitalière, Agnès Buzyn parle évaluation, mesure, audit, re certification, en une procrastination coupable.
Pourtant des solutions existent … Elles demandent du courage politique :
▪️Etablir une vraie démocratie sanitaire par une gouvernance partagée du système de soin où Soignants élus par la profession, représentants des Patients et Administration sont à égalité de pouvoir avec droit d’opposition, modèle à reproduire à chaque niveau de pilotage du système jusqu’au sein des établissements de soin
▪️Briser le lien rémunération – ONDAM et cesser ainsi de rendre les professionnels du soin responsables et coupables des conséquences de la gestion économique du pays !
▪️Considérer le secteur sanitaire comme une richesse et non comme un coût.
▪️Rattraper la moyenne Européenne pour les tarifs des professionnels du soin !
▪️Préparer avec les professionnels la révolution technologique et scientifique qui va s’imposer au système, l’intégrer dans les facultés sous l’angle technique, sanitaire, philosophique, économique, politique. Rendre ainsi les soignants maîtres de l’outil (et non outils des maîtres) qui s’imposent par leur avancées technologiques et leur capacité d’organisation et de gestion de l’avenir ( GAFA et autres BATX…)
▪️Protéger le soin de la financiarisation et de l’étatisation, le diriger sous l’angle de l’intérêt du soin. Garantir une médecine libre de toute influence politique ou financière. Sacraliser les valeurs médicales : Secret médical, individualisation du soin, déontologie, indépendance.
▪️Réaménager le territoire en favorisant la proximité, non pas en fabriquant des populations « sous traitées » soignées par des écrans, mais en construisant une médecine tournée vers l’égalité et une égalité devant la médecine où l’écran est une aide du praticien et non son remplacement définitif. -Donner aux médecins la possibilité de créer de l’emploi et de développer une pratique professionnelle moderne et de qualité par une tarification juste et non par des subventions et un carcan administratif. -Cesser la course folle vers la centralisation, l’hôpital usine, qui régente tout, et faire de chaque soignant un investissement pour l’avenir aux commandes de structures et de pratiques adaptées à la médecine moderne (préventive et prédictive) et aux nouvelles technologies.
▪️Favoriser l’enseignement hors les murs des facultés au sein de maisons de santé universitaires. -Favoriser l’exercice multisite et les transferts de secteurs , faire tomber les barrières et favoriser la flexibilité de l’exercice .
▪️Faire de l’aménagement du territoire et de la politique de la ville une grande cause nationale.
▪️Oser la confiance.
Loin de la politique sanitaire actuelle faite de délégation de taches, de doublement des maisons médicales, de forfaits au parcours de soin ou autres nouveaux modes ( parcellaires ) de rémunérations, qui apparaissent comme autant de solutions palliatives à la crise, ces solutions sont prédictives, préventives et curatives et ouvrent à une reconstruction de notre système sanitaire .
Dr Jérôme Marty Président UFML-S
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