Chère consœur, cher confrère des COMELI,
Vous avez bien voulu nous saisir avant les négociations conventionnelles par un texte dans lequel vous exprimez vos attentes en lien avec ces négociations. Permettez-moi par la présente d’y répondre en détail.
Les négociations conventionnelles qui vont s’ouvrir seront à n’en pas douter difficiles, les attentes de la profession sont immenses, notamment en matière tarifaire et le volant de négociation de l’assurance maladie sous la dominance de Bercy est petit.
Ce sont les négociations de tous les dangers au regard des besoins et du risque par rapport à cela de voir se répéter les erreurs du passé.
Un peu d’histoire…
Rappelons les attentes des syndicats avant la négociation de 2017 :
La CSMF trouvait irrespectueuse et déconnectée des réalités, la consultation à 23 €, ne voulait pas de paiement au forfait, « les souhaits ne peuvent se concevoir que par le paiement à l’acte », elle plaidait pour la mise en place d’une CCAM et d’une grille tarifaire unique applicable à l’ensemble des spécialités. Le tarif de base pour une telle grille ne devait pas être inférieur à 30 €.
Si la centrale ne signera pas la convention en 2017, elle la signera en 2018 par la signature de l’avenant télémédecine. Elle acceptera donc 25 € et une augmentation de la dose de forfait. Pire, elle revendiquera la paternité des CPTS, usines à forfait.
MG France bataillait pour l’équité tarifaire entre le généraliste et les spécialistes, il faut rappeler que la consultation de généraliste restait bloquée à 23 € quand celle des autres spécialités étaient à 25 €, une décision datant du 7 mars 2007 fixait la liste des spécialités éligibles à la cotation ”majoration provisoire clinicien” de deux euros et en excluait les médecins généralistes. MG France déposait un recours en Conseil d’État et demandait l’égalité de traitement lors des négociations conventionnelles (l’UFML alertait alors sur le risque de transformation de ce rattrapage en augmentation tarifaire, ce qui ne manquerait de bloquer toute vraie augmentation tarifaire, c’est malheureusement ce qui arrivera). MG France, demandera une revalorisation globale des honoraires fixée à 30 % de revalorisation, ce qui sera obtenu au travers des forfaits… MGFrance signera la convention en juillet 2017.
La FMF n’avait pas pour intention d’aller à la convention « pour obtenir des miettes », elle réclamait un plan Marshall pour la médecine libérale. Son président, Jean-Paul Hamon, estimait qu’il fallait un investissement de 5 milliards d’euros. La FMF était opposée au contrat d’accès aux soins, elle militait pour un secteur d’exercice unique où les médecins appliqueraient les tarifs de base communs à chaque discipline et pourraient facturer des compléments d’honoraires. Elle annonçait combattre sur le terrain le dossier médical partagé et les messageries sécurisées. En juillet 2017, aux côtés de MG France et du Bloc, pour 25 €, une augmentation des forfaits, le contrat d’accès aux soins, le développement du DMP, j’en passe et des meilleures…, la FMF présentera sa signature comme une signature de combat (entendre, je signe pour prendre le pognon, parce que je n’ai pas assez d’adhérents).
Le SML fustigeait les CPTS, demandait l’ouverture du secteur deux pour tous, réclamait l’ouverture d’un secteur 3 dans lequel les actes des médecins non conventionnés seraient remboursés, revendiquait une revalorisation des tarifs de consultation à hauteur de la moyenne européenne. Si le SML ne signera pas la convention en 2017, il la signera en juillet 2018 et acceptera donc contractuellement l’extension des communautés professionnelles de territoire de santé, un acte de base à 25 €, l’absence d’ouverture au secteur 2 etc. (Une signature de combat ?)
Le BLOC était très opposé à la loi santé de Marisol Touraine d’autant que celle-ci annonçait supprimer le collège deux (chirurgie, anesthésie, réanimation et gynécologie-obstétrique). Il demandait une revalorisation tarifaire avec valorisation des urgences de la chirurgie ambulatoire et un accès pour tous les praticiens du BLOC à des compléments d’honoraires et le maintien de la liberté d’honoraires. Il était farouchement opposé au contrat d’accès aux soins. Le BLOC signera la convention en juillet 2017, aux côtés de MG France et de la FMF.
Si je me permets de vous rappeler, ces faits, c’est parce qu’en matière conventionnelle, l’histoire repasse souvent les plats, et les mêmes causes produisent les mêmes effets. Prudence donc face à toutes les déclarations faites la main sur le cœur, les conventions sont une longue histoire de reniements…
Venons-en à vos propositions, celles que l’UFMLS défend :
– L’indépendance syndicale :
C’est l’ADN de l’UFMLS et je vous pose ici un extrait du New Deal de l’UFML (30 MARS 16) :
« L’UFML demande la suppression du lien signature de convention/ financement des syndicats de médecins. Le financement des syndicats de médecins pourra s’envisager via un fond pour la formation des cadres et la création d’un soutien financier indexé sur la représentativité syndicale avant l’ouverture d’un processus législatif ouvrant au syndicalisme obligatoire. Face à un poids politique et administratif toujours plus important, la profession doit se doter d’organismes politiques de protection et de propositions, forts, et incontournables. Les postes dans ces structures ne doivent pas être des rentes de situations, ou des places réservées. Le syndicalisme obligatoire favorise la mixité des idées et est l’outil d’une puissance démocratique pérenne. »
L’UFMLS dit ce qu’elle fait et fait ce qu’elle dit, nous soutenons donc évidemment la pleine indépendance des syndicats et tout ce que cela entraîne en termes de modification législative et organisationnelle.
– Transparence sur les conventions de partenariat :
L’UFMLS est par principe opposé à tout établissement de risque de conflit d’intérêt et donc à tout financement par toute structure en lien direct ou indirect avec la santé.
– Sur la représentativité, oui bien sûr, sur les cotisations obligatoires, pondérées par les résultats aux URPS sous leur forme d’existence (l’UFMLS a dans son programme la suppression des URPS dans leur forme actuelle).
– Sur les négociations conventionnelles :
Rappelons ce que nous écrivions en mars 2016 dans le New Deal :
« Établissement d’une nouvelle convention et d’un organisme de régulation.
L’UFML plaide pour la fin du système conventionnel et son remplacement par une instance décisionnaire où siègent l’Ordre des médecins, les syndicats professionnels, les organismes financeurs, les représentants de patients. Les orientations données par le congrès (projet présenté plus loin), comme celles du gouvernement, sont abordées par l’instance décisionnaire.
La nouvelle convention sera constituée d’un secteur unique, la convention actuelle devenant obsolète.
Au sein de ce secteur le médecin appliquera par défaut des honoraires alignés sur la réalité économique de la gestion des cabinets et en harmonie avec les tarifs appliqués en Europe, et des honoraires sociaux pour les bénéficiaires de l’aide sociale à savoir les CMU, AME (mais pas ALD) au tarif actuellement nommé opposable.
Les charges sociales des praticiens seront celles de l’ancien secteur 1 pour les honoraires sociaux opposables et celles de l’ancien secteur 2 pour les autres, quel que soit le praticien.
Les honoraires sont appliqués selon le principe du tact et mesure et peuvent faire l’objet d’une régulation par le CNOM. Le tiers-payant doit être possible mais jamais obligatoire.
Nous demandons la suppression des ROSP, CAS, des forfaits issus de l’avenant 8 et autres forfaits.
Le tarif de la consultation (C) est à hauteur de la moyenne européenne autour de 50 euros.
Une majoration en fonction du temps, du nombre de motifs et de la complexité de la consultation est appliquée. Les honoraires sociaux sont sans majoration.
Le patient valide la consultation (ou l’acte de soin) avec le médecin tant pour son information que pour celle des assurances ; il devient co-responsable de sa consultation. Une procédure simple sera mise en place pour valider en fin de consultation l’ensemble des prestations, motifs et temps passé durant la consultation par une signature manuelle ou numérique. La signature bi-partite fait partie intégrante du dossier médical personnalisé.
L’UFML rappelle que la valeur actuelle du C est sans rapport avec l’expertise, le rôle et la responsabilité des professionnels. Sa valeur doit donc être totalement reconsidérée sur la moyenne européenne et indexée sur l’augmentation du coût de la vie. »
« Des contreparties attendues :
Il s’agira de respecter une charte qualité. Elle intègrera notamment la notion de tact et mesure, les procédures et les protocoles de pratiques, l’engagement d’une formation régulière.
Un organisme paritaire : HASME (haute autorité de surveillance médico-économique) composée par les institutions suivantes : CNOM, CNAM, UNOCAM, ARS, syndicats de médecins avec une parité soignants/administratifs, chacune des deux parties disposant d’un vote de blocage, aura une mission de contrôle.
Enfin, la responsabilité médicale à la charge du praticien verra son montant plafonné.
– Création d’un congrès :
Un congrès se réunira tous les deux ans sur trois jours. Il regroupera en un même lieu :
– des syndicats de médecins des secteurs public et privé
– des syndicats d’internes et de chefs de clinique
– des syndicats étudiants
– des représentants des URPS
– des représentants de l’Ordre des médecins.
Le congrès est l’expression de la profession médicale qui tous les deux ans proposent des positions communes sur les besoins, l’organisation, les orientations de la profession. Le congrès est la voix libre de la profession dans toute sa diversité. »
Au regard de ce que nous écrivions en 2016 et que nous défendons toujours, nous validons vos propositions et évidemment la suppression du tarif d’autorité. (Cf plus bas)
– Sur le contenu conventionnel :
Oui à un choc d’attractivité évidemment et là encore rappelons les écrits de l’UFMLS :
« Tarif opposable :
Face à la multiplication des zones en voie de désertification médicale et à la crise sanitaire majeure qui s’annonce, une révision de la valeur de l’acte médical à hauteur de la moyenne européenne, doit être réalisée. Un new deal pour la médecine passe par la révision de la manière de l’appréhender sur le plan économique. La rémunération doit induire un cercle vertueux et ne doit plus impacter négativement l’exercice. Le tarif de base ne peut être inférieur à la moyenne européenne, tous systèmes sociaux confondus. Le tarif d’autorité doit être supprimé au nom du plus élémentaire respect de la liberté. Le médecin ne peut subir une pression économique lors de son choix d’adhérer ou non au système conventionnel qui couvre un champ plus large que la seule rémunération. La prise en charge du patient doit être totalement indépendante de l’incidence du tarif de l’acte de soin par le médecin sur ses charges sociales.
Mode de rémunération :
Le paiement à l’acte doit rester la règle majoritaire, garant de l’indépendance du médecin et de la liberté de ses pratiques. D’autres modes de rémunérations – forfaitisation, tarif horaire, tiers payant social – peuvent voir le jour à condition de respecter l’absence de conflit d’intérêt économique ou politique, et l’absence d’assujettissement de la pratique médicale. L’indépendance de l’exercice médical doit être garantie par une convention avec l’organisme financeur ; la surveillance du respect des actes de la convention doit être garantie par un organisme indépendant – l’Ordre des médecins – au pouvoir sanctionnant graduer jusqu’à la rupture conventionnelle, et donne lieu à un rapport annuel.
Indexation
Le tarif opposable doit être indexé sur le coût de la vie, afin de stopper l’hémorragie de cessation d’activité du fait de l’impossibilité de faire face à l’augmentation des charges dues au mode d’activité, au lieu d’exercice ou aux choix politiques. Des zones d’exercices doivent être définies avec adaptation des lettres-clé selon les spécificités locales afin de lutter contre la désertification médicale en zone urbaine. L’UFML appelle à une révision annuelle des actes ouvrant droit à rémunération et non tous les cinq ans. La médecine traverse une révolution qui induira de nouveau mode de pratiques et de nouveaux types d’actes. L’adaptation du système doit être permanente.
ONDAM
La rémunération des médecins doit être détachée du calcul de l’ONDAM. Les médecins ne peuvent continuer plus longtemps à être rendus responsables et coupables des conséquences multi- factorielles du déficit de l’Assurance maladie et des choix de gestion politique du pays. La rémunération des médecins n’entre que pour 11 % dans les dépenses de l’Assurance maladie. Le lien tarif/ ONDAM impacte directement notre modèle sanitaire : fragilisation des entreprises médicales, souffrance et pénibilité de l’exercice, adaptation des pratiques à ces conséquences et abaissement de la qualité des soins, chute démographique médicale par l’augmentation des arrêts d’activité et l’effondrement des installations, augmentation des difficultés d’accès au soin. L’UFML demande la fin du lien tarif/ ONDAM, la définition d’un tarif opposable à hauteur de la moyenne européenne et son indexation sur le coût de la vie.»
Vous le voyez nous ne défendons pas plusieurs niveaux de consultation, en effet pour l’UFMLS un acte est composé de trois actes : un acte de prévention, un acte clinique et de prescription, un acte numérique ( Incrémentation du DMP et autres sources d’exploitation et de génération d’économie ou de richesse pour l’état), c’est ainsi que nous défendons l’accès à un tarif de base à hauteur de la moyenne européenne au cours de l’exercice conventionnel (augmentation régulière lors de clause annuelle de revoyure contre amélioration de prise en soin de telle ou telle catégorie de patients ou de pathologie,).
– Déplacement avec majoration du tarif de déplacements : oui bien sûr (l’UFMLS défend une visite égale à 3 C quelle que soit la valeur du C du moment.
SNP et actes effectués le samedi et le dimanche : l’UFMLS défend la cotation en acte férié hors inscription médecin de garde.
Actes en zones difficiles (oui exprimé dans le new deal)
Actes de gestion du dossier médical : oui mais pour l’UFMLS cela est dans tout acte, l’acte étant divisé en 3 parties : préventif – acte clinique et prescription – acte numérique (DMP, volet de synthèse etc) d’où la nécessité d’une forte revalorisation de l’acte de base.
– Disparition progressive de la NGAP au profit de la CCAM avec un bémol, le risque de dérive vers le codage des actes et l’extension du PMSI à la médecine de ville, avec nécessité de médecin DIM, et toute la lourdeur afférente.
– Sur la limitation des charges administratives : Nous défendons la possibilité donnée à chaque médecin de salarier le personnel nécessaire à une pratique de qualité, cela doit être rendu possible par des rémunérations à la hauteur du rôle et de la responsabilité du médecin libéral.
Nous validons.
Limitation de certains certificats : oui, et « nettoyage » en négociation spécifique
– Sur l’optimisation des forfaits
Oui pour simplification du forfait structure (mais rappelons-le, l’UFMLS est pour la suppression des forfaits avec fléchage des gains vers le paiement à l’acte). Tout ce qui touche au numérique doit être compris dans la valeur de l’acte.
– Le forfait médecin traitant doit perdurer et être développé
– Suppression de la ROSP : oui à l’évidence
– Limitation du tiers payant (voir plus haut )
– Sur la définition optimisée du parcours de soins coordonné médicalement, nous validons
– Sur la reconnaissance de la spécialité de la MG : nous validons
– Ainsi que sur la reconnaissance de l’expertise du médecin, spécialiste de deuxième recours
Ajout UFMLS : PDSA PDSES qui doivent rester sur la base du volontariat avec repos compensateur quand celui-là est possible et financement de celui-ci sur la base de 3C de l’heure (garde de nuit légère = 4 h de RC, 12 C garde de nuit profonde ou de we = 8 h de RC soit 24 C, et quand le repos compensateur ne peut être pris : gain de points de retraite défini avec organisme financeur, parallèlement, défiscalisation des actes réalisés en permanence de soin.
Voilà pour les réponses de l’UFMLS à votre courrier.
Additif UFML, attention à une augmentation tarifaire à 30 € qui va être présentée par l’assurance-maladie et par les politiques, comme une grande victoire de la profession médicale, comme une écoute historique d’un gouvernement à la médecine libérale et comme un investissement sans précédent autour de la médecine libérale, alors qu’en fait il s’agit toujours d’un maigre rattrapage.
Ces sept euros pour une valorisation à 30 € l’acte pourraient être signés par les syndicats susceptibles de faire majorité et la communication, du moins dans les premiers mois pourrait être difficile.
S’agissant de l’action tarifaire en cours, l’UFMLS la soutient sans état d’âme mais rappelle, que celle-ci doit être construite autour de DE et de HN qui doivent systématiquement être tracés dans le dossier du patient, dont les valeurs doivent être variées, et qu’il doit être non systématisé. Nous avons bien vu les chartes de solidarité et c’est une bonne chose, mais l’UFMLS rappelle que la temporalité de l’administration ou la temporalité juridique ne sont pas la temporalité des actions de luttes médicales et qu’un organisme saisi par une association de patients ou France Asso Santé par exemple, telle que la DGCCRF, peut agir dans quelques mois ou années (1 an, 2 ans), bien malin celui qui peut affirmer l’activation alors présente de cette charte. C’est pour cela et parce que nous défendrons les médecins (les syndicats qui auront signé la convention auront moins de propension à défendre les médecins qui continueront alors) que nous demandons aux médecins qui pratiquent ces actions de rendre ces défenses possibles. La systématisation (dépassement dans 100 % des cas) ne permet pas cela et ouvre à attaque et pénalisation forte possiblement par DGCCRF.
Bien confraternellement et amicalement vôtre.
Dr Jérôme Marty