J’ai assisté à la Maison de la Chimie le 30/11/2016 à la 6ème Rencontre sur le Système de santé.
Présidée par Gérard Bapt (Député de la Haute-Garonne, président du groupe d’études ‘’Santé et numérique’’, rapporteur recettes et équilibre général du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017) et Arnaud Robinet (Député de la Marne, co-président du groupe d’études ‘’Médicaments et produits de santé’’), elles se sont déroulées en présence du Pr Jean-Yves Fagon (Délégué ministériel à l’innovation en santé) et elles ont réuni en tables rondes des économistes et scientifiques (Sandra Bertezene, professeur titulaire de la chaire de gestion des services de santé, Conservatoire national des arts et métiers, Anne-Marie Brocas, présidente du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, Gérard de Pouvourville, responsable de la chaire Essec santé, Mathieu Escot, responsable des études de l’UFC-Que Choisir), des industriels (Dr Philippe Tcheng, vice-président des relations gouvernementales France de Sanofi, Michel Joly, président-directeur général de Gilead, Didier Papaz, président-directeur général d’Optic 2000), des politiques (Bernadette Laclais, députée de la Savoie, co-rapporteure de la loi santé auprès de Marisol Touraine, Nora Berra, secrétaire nationale Les Républicains aux professions libérales, Valérie Boyer députée des Bouches-du-Rhône, secrétaire nationale Les Républicains à la santé), des médecins (Pr Guy Vallancien, fondateur et président du conseil d’administration de l’Ecole européenne de chirurgie, auteur de “La médecine sans médecin ?”, Dr Michel Leicher, président de l’Union nationale des professions libérales UNAPL).
Le public intervenait par SMS projetés sur écran et débats avec les orateurs. Plusieurs de mes SMS ont été projetés à l’écran. Un mail de remerciements le soir même me demandait mes impressions sur cette journée. Voici ce que j’ai envoyé :
Les interventions ont été riches et une prise de conscience politique semble enfin avoir lieu. Les moyens humains et financiers doivent se concrétiser rapidement avant la multiplication de catastrophes sanitaires.
Le système de santé français est passé de la première place à la 24ème place mondiale en peu de temps à cause de la pénurie de soignants de terrain organisée depuis 30 ans pour des raisons économiques.
La dévalorisation de leur travail humain et clinique auprès des patients n’est pas reconnue, tant en ville qu’à l’hôpital. Les médias ou le ministère n’ont que peu de bienveillance envers ces soignants. Le malaise est énorme, souvent silencieux, parfois aboutissant à des catastrophes (déplaquages, burn-out, suicides). On leur impose, contre leur vocation de soins au service individuel de l’humain, une surcharge de bureaucratie relevant de l’assurantiel et des contrôles comptables, tout en maintenant leurs revenus à des valeurs 30 à 50% des autres soignants d’Europe et ce malgré l’excellence de leur formation, de leurs compétences et de leur dévouement.
Les actes techniques ne sont pas les seuls témoins de l’excellence des prises en charges : le travail clinique et humaniste doit être pris en compte, les généralistes et les paramédicaux libéraux sont un ciment de cohésion et de bien-être sociétal.
Les soignants hospitaliers sont surchargés de travail en particulier aux urgences en recevant des patients qui n’ont rien à y faire, et ce pour un coût bien supérieur à celui de la ville. Les contrôles des administratifs les ralentissent et leur laissent moins de temps au lit du malade.
La pénurie de soignants grève donc l’accès aux soins (que ne résoudra pas le tiers payant généralisé qui va encore plus déresponsabiliser les patients et appauvrir les soignants). La part belle de l’assurance laissée avec complaisance et sans transparence aux complémentaires aboutit à une dégradation des prises en charge assurantielles que commencent à constater les patients, et risque d’aboutir à des contrats individualisés sur le risque propre du patient (renforcé par la connaissance de données liées aux objets connectés et du génome) si les garde-fous déontologiques ne sont pas renforcés. La sécurisation des échanges de données et du DMP doit être impérative et contrôlée par les médecins (Conseil de l’Ordre).
Les soignants doivent rester au service des patients et non de l’économie assurantielle. La santé ne relève pas du commerce et la déontologie de l’exercice médical doit être respectée, en particulier l’indépendance du médecin dans ses décisions qui garantit sa responsabilité. La main mise administrative doit être desserrée. Les possibilités de remboursement doivent être déconnectées de la valeur de l’acte médical. Le panier de soins remboursable est à définir et le contrat assurance santé du patient doit être enfin écrit également en ce qui concerne la Sécurité sociale pour responsabiliser le patient, renforcer son lien avec son assureur sans faire pression sur les professionnels pour obtenir des remboursements indus (génériques, transport, accident de sport, etc…)
La santé des citoyens et ses coûts ne pourront s’améliorer qu’en passant par une revalorisation du travail des soignants de terrain aussi bien en ville qu’en hospitalisation, avec une coopération partenaire au service individualisé du patient et une information facilitée (apicrypt est un outil simple, sécurisé et efficace dont la plupart des libéraux sont pourvus et que de nombreux hôpitaux ont adopté). Pour améliorer les maintiens à domicile, un corps d’aides-soignantes libérales doit être créé (source d’emplois énorme).
Les missions en ville et en hôpital public ou privé doivent être bien définies pour éviter redondance et gaspillage. La ville doit rester le premier recours. Pour cela il faut suffisamment de généralistes et de paramédicaux libéraux, organisés si besoin en réseau plus formel (CPTS) sous le contrôle du médecin traitant (et non de l’hôpital ou des ARS) et leur coordination doit être tarifée sans complexification administrative.
L’hôpital ou l’établissement privé doit répondre à sa mission de traiter les patients lourds, à hospitaliser ou relevant d’un plateau technique ou d’avis hyperspécialisé, et accueillir les plus démunis. Les délais de RV doivent être raccourcis en privilégiant les patients envoyés par le médecin traitant.
Enfin les patients doivent se constituer eux-mêmes, simplement (papier ou clef USB), avec l’aide de leur médecin traitant (qui doit être rémunéré aussi pour cela), leur dossier médical afin d’éviter toute redondance dans les examens, tout oubli dans les antécédents et toute erreur dans les médicaments.
A votre disposition pour tout renseignement ou aide à creuser ces idées d’un médecin spécialiste de médecine générale, installée en libéral depuis 1986, enseignant universitaire, médecin coordonnateur de la permanence des soins, également élu URPS, membre du Conseil de l’Ordre et du conseil d’administration de l’Union Française pour une Médecine Libre.
Docteur Isabelle LUCK
Cabinet médical Xavier-Bichat
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