“On ne peut pas demander , le retrait de la loi”, “elle ne retirera jamais son texte”, “il faut être réaliste”, ” vous finirez par négocier à la fin” etc etc.
Combien de conseils “avisés” ai-je reçu depuis des mois, combien de regards souvent condescendants sur la position de l’UFML, par les mêmes qui, aujourd’hui, ont fait leur cette idée non sans garder, près de leur main, le stylo des accords négociés…
J’ai maintenu cette position depuis la présentation du projet de loi parce qu’il ne peut en être autrement, engagé dans un combat dont la justification se trouve dans l’architecture même de la loi.
Le Tiers payant Généralisé, socle de la loi, est devenu au fil des jours garant de la survie politique de la ministre de la santé des affaires sociales et du droit des femmes qui de fait, à plusieurs reprises a rappelé qu’elle ne reculerait pas sur ce point.
Médecin et en responsabilité il est de mon devoir d’affirmer que la survie politique d’une ministre n’est rien face à la catastrophe annoncée du Tiers Payant Généralisé.
Le TPG va relier et soumettre le médecin aux organismes financeurs et organisateurs du soin , assurance maladie et organismes complémentaires.
Soumission, le mot est juste, au sein d’une médecine dès lors sous influence d’intérêts autres que le soin.
Intérêts économiques par l’action sur l’inducteur de dépenses que représente le prescripteur (il est bon à cet instant de rappeler la manipulation entretenue par différents responsables à longueur d’argumentaires par la mise en avant de l’existence du TPG dans certaines professions, sans préciser que celles-ci sont des professions “prescrites”).
Intérêt politique par le rôle conféré par la loi aux organismes financeurs qui “appliquent” les directives des ARS, elles-mêmes “relais” de l’Etat “responsable de la politique de santé” et non plus de “l’évaluation de la politique de santé” comme le disait le Code de santé publique auparavant.
Le noeud Gordien de la loi est donc là : soumettre le médecin pour contenir la dépense, puis désengager la Sécurité sociale et augmenter la part du remboursement complémentaire afin, en quelques mois, de faire de la médecine une profession à remboursement Sécurité sociale minoritaire permettant de lever l’obstacle à son entrée dans les réseaux de soin.
L’avenant 8 à la convention médicale, signé dans les conditions que l’on sait, a permis la mise en place du contrat d’accès au soin offrant aux organismes complémentaires une première garantie de maintien de la dépense. Les contrats responsables ont offert à ces mêmes organismes un gain fiscal alors même qu’ils lançaient sur le marché des sur-complémentaires, seules à même de permettre aux Français d’accéder à des médecins que leurs complémentaires solvabilisaient hier. Les premiers étages de la fusée étaient en place, ils préparaient la privatisation de la santé et n’attendaient plus que la loi de santé.
La loi de santé, suite logique à l’avenant 8, à l’accord national interprofessionnel et à la loi Leroux, vient donc parachever un système où le médecin ne sera plus qu’un officier de santé aux ordres d’ Agences Régionales de santé toutes puissantes qui borneront les pratiques au travers de contrats pluri-annuel d’objectifs et de moyen, contrats orientés par les nécessités politiques, économiques, sanitaires et, plus grave encore, soumis à l’influence économique de l’organisme financeur dont à terme il deviendra l’employé.
De cette situation naîtra un conflit d’intérêt permanent entre la médecine dont relève le patient et la médecine guidée et imposée par les nouveaux maîtres du jeu.
Et le patient dans tout ça ? Au centre du drame, le patient sera frappé de plein fouet, sans échappatoire, la victime du système ce sera lui !
D’une médecine basée sur la confiance construite au sein du colloque singulier, respectant les dernières données acquises de la science et le code de déontologie, il sera confronté à une médecine progressivement aux ordres, aux prescriptions guidées par les intérêts économiques du moment . Il sera confronté à une médecine protocolisée où l’intérêt collectif prime, rentabilité oblige, sur l’intérêt individuel, une médecine reproductible, une médecine presse-bouton.
Il sera frappé par la multiplication des déserts médicaux précipités par l’effondrement des installations, face à une médecine soumise à obligation d’installation, de permanence des soins, aux temps de non soin toujours plus importants, aux rétributions toujours au plus bas de la moyenne européenne, aux charges toujours plus grandes.
Demain il sera orienté vers le médecin du réseau de son organisme complémentaire, otage économique du remboursement différencié, il paiera toujours plus pour accéder à une médecine non prise en charge par son forfait.
Il sera dépendant d’une médecine où le secret médical n’existera plus, ses données médicales regroupées au sein du dossier national médical partagé désormais aux mains du financeur pourront être transférées sans son autorisation, accessibles à des non-soignants, pour d’autres utilisations que le soin…
Le système d’une santé basée sur le niveau des revenus et la hauteur de son contrat de mutuelle ou d’assurances complémentaires sera en place .
L’Etat aura effacé une grande part du déficit de la Sécurité sociale obéissant aux demandes de Bruxelles et aura légué le marché aux complémentaires .
Le patient et le médecin ne seront plus que des variables du système, des éléments du marché.
Cette loi n’est donc pas négociable, et lourde est la responsabilité de ceux qui laissent les Français dans l’ignorance du modèle de santé dont la loi de santé ouvre la porte.
Voilà pourquoi je me bats avec l’UFML depuis des mois, voilà pourquoi nous alertons depuis deux ans le monde politico-médiatique et les usagers du système de soin.
Aucune promesse, aucune garantie ne peuvent effacer le danger de cette loi, seul le retrait d’une loi construite sur d’autres buts que le soin doit être la solution.
Ensuite il sera temps de réécrire, avec les professionnels du soin et les usagers du système, une loi qui prenne véritablement en compte les besoins face à un système de soin qui s’effondre et que certains voudraient jeter avec l’eau du bain.
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