Les politiques sanitaires successives ont saboté notre système de soins.
Les soignants sont parfois blessés, parfois tués.
Les conséquences sont un effondrement qui ne connaît pas de secteur, pas de limite.
À l’hôpital, les médecins, les infirmières, les aide-soignantes et tous ceux qui portent les soins, s’épuisent sous une gouvernance absurde, faite de procédures et de protocoles parapluie qui ne protègent que l’administration. Les postes vacants se multiplient, peu remplacés, et la maladie de l’un provoque celle de l’autre et touchera bientôt le prochain.
Ici on se tue à la tâche, et on crève parfois de soigner.
À Paris, en Province, à l’APHP comme dans le plus modeste centre hospitalier général, dans la plus grande clinique comme dans le plus petit établissement de soins de suite, en Ehpad ou en ville, partout les soignants subissent, et les patients paient le prix fort.
Tous nous savons que ce n’est pas un manque de volonté mais une volonté de manque.
Tous nous portons une colère qui n’a d’égal que notre silence face à la maladie, l’inquiétude, la souffrance de l’autre.
Et nous nous taisons…
Nous voyons nos collègues plier, pleurer, rompre, craquer … Nous nous taisons.
Nous observons le tissu sanitaire se déchirer à force de départs et de non installations.
Nous nous taisons.
Nous assistons aux restructurations et à la naissance d’hôpitaux-usines et d’industrialisation du soin.
Nous nous taisons.
Nous savons que les réformes ne changeront rien, que les assistants, les CPTS, les 400 médecins salariés, les hôpitaux communautaires sont des traitements symptomatiques.
Nous nous taisons.
L’économie, la performance, la rationalisation du soin, l’efficience et ses indicateurs vont continuer à bouffer le soin, à masquer le terrain, le chiffre la courbe et l’histogramme plutôt que la blouse, la main, l’homme.
Nous, nous nous tairons…
Parce que nous soignons, parce que l’autre, parce que les yeux. Parce qu’à la peur, à l’urgence, au sens, à l’humain, nous répondrons encore et encore, par la priorité, le soin. Difficilement, parfois jusqu’à la rupture…
Encore…
Encore ?
Parlons ! Infirmièr(e)s, aide-soignant(e)s, médecins, paramédicaux, parlons !
Nous avons la responsabilité du système de soin, nous le portons chaque jour. Nous taire c’est le laisser aux complets gris, aux chiffres, à Bercy. Nous taire c’est être complice.
Nous ne sommes pas sous tutelles.
Les ARS, l’assurance maladie , la Direction Générale de l’Offre de Soin, les Fédérations hospitalières ne soignent pas : elles gèrent, calculent, comptent, organisent…
Quelle que soit l’importance de leur rôle, elles ne soignent pas !
Parce que sur le terrain chaque jour, chaque heure, chaque minute, nous soignons, nous voyons, nous entendons, nous touchons, nous sentons … Nous devons parler et parler encore.
Parler pour éveiller les consciences, parler pour porter les urgences.
Dr Jérôme Marty
Président UFMLS