On n’impose rien aux médecins libéraux, on n’oblige pas les médecins libéraux ; mais on construit avec les médecins libéraux… car les médecins libéraux ne sont pas des agents de l’État. Pour avoir oublié cette simple évidence, le Premier ministre fragilise grandement le plan qu’il a présenté ce jour.
Voici l’analyse de l’UFMLS
1. Les priorités du pacte :
« L’accès aux soins est au cœur de notre pacte républicain. Il engage notre responsabilité collective comme notre solidarité nationale. Or, dans trop de territoires, les inégalités d’accès à un médecin et aux soins du quotidien pèsent lourdement sur la vie des Français. »
La responsabilité collective et républicaine est aussi celle des politiques, qui ont renoncé à financer notre système de santé à la mesure de ses ambitions, entraînant une perte de moyens, des pertes de chance pour les patients et une perte de sens pour les soignants.
« Le Gouvernement est déterminé à agir pour apporter des réponses nouvelles et concrètes et intensifier ainsi la lutte contre la désertification médicale. »
Tous les territoires souffrent de difficultés d’accès aux soins selon des degrés variables. Ces territoires sont bien souvent des territoires abandonnés de la République : fermeture des écoles et des services publics, délocalisation des entreprises, mais aussi territoires de non-droit…
Les politiques feraient œuvre utile en proposant des solutions ambitieuses afin de résoudre la problématique des plus de 10 millions de rendez-vous non honorés par an. La responsabilisation des patients, grande oubliée, est un enjeu essentiel de santé publique et permettrait une amélioration de l’accès et de l’offre de soin.
2. Les mesures engagées :
« 650 centres de santé, notamment pour prendre en charge les populations les plus précaires. »
La démonstration est faite, après les annonces chiffrées de Mme Delga, présidente de la Région Occitanie : l’extension massive de centres de santé employant des médecins salariés aggraverait les difficultés d’accès aux soins. En effet, un médecin libéral réalise en moyenne plus de 20 consultations par jour, soit environ 4 000 par an, et suit 1 000 patients dont il est médecin traitant. Or, les chiffres avancés par Mme Delga font état de 300 000 consultations en deux ans pour 100 médecins et de 31 000 déclarations de médecin traitant. (Autrement dit, un médecin libéral réalise près de 2,7 fois plus de consultations par an qu’un médecin salarié en centre de santé et suit 3,2 fois plus de patients « médecin traitant »).
« 800 communautés professionnelles territoriales de santé couvrent près de 90 % du territoire. Elles contribuent à fédérer les professionnels de santé et à renforcer l’accès aux soins. »
Aucune étude n’a démontré l’efficacité des CPTS en termes d’accès et d’offre de soins. Nous attendons, tout comme M. Fatome, directeur général de la CNAM, pour qui l’accès aux soins — critère socle de ces CPTS — est l’objectif principal, un retour sur investissement permettant d’en juger la pertinence.
Nous vous invitons à consulter le rapport « CPTS » de l’UFMLS (novembre 2024, version finale).
Nous rappelons que le passage de la consultation de 25 € à 30 € constitue un simple rattrapage de l’inflation et non une revalorisation réelle pour les médecins. De surcroît, la CNAM entend compenser ce surcoût par des objectifs collectifs de déprescriptions dans le volet PERTINENCE, partie intégrante de la convention signée.
Les aides à l’installation en zones sous-denses, même simplifiées, seront diminuées :
- La CAIM de 50 000 € sur deux ans est remplacée par une aide de 10 000 € et un abondement du forfait médecin traitant (FMT) pour les futurs installés.
- La disparition du COSCOM de 5 000 € par an laisse place à un abondement du FMT qui fera plus de perdants que de gagnants.
Concernant la formation, mieux former suppose d’ouvrir des terrains de stage aux cliniques et aux cabinets libéraux afin de libérer les énergies et de sortir d’une formation trop hospitalo-centrée.
3. Les propositions nouvelles du pacte de lutte :
« Vingt-quatre départements n’ont aujourd’hui pas d’accès aux études de santé, alors que 50 % des médecins généralistes formés exercent à moins de 85 km de leur lieu de naissance et qu’une installation sur deux est située à moins de 43 km de l’université d’internat (Insee Première, 2024). »
Il conviendrait de pondérer ces chiffres : 87 % du territoire est en zone sous-dotée, mais 98 % des patients se trouvent à moins de dix minutes en voiture d’un médecin. Les zones en difficulté souffrent également d’un manque d’offre de soins hospitaliers, avec plus de 40 000 lits fermés en dix ans…
« Ouvrir une première année d’accès aux études de santé dans chaque département, au sein d’une université, d’un autre lieu de formation ou depuis des campus connectés, en appui des élus locaux très investis et qui se sont emparés du sujet dès la rentrée 2026. »
Nous pouvons craindre des pertes de chance : ces études sont très exigeantes et le concours est sanctionnant.
« Mettre en œuvre la quatrième année d’internat de médecine générale dès le 2 novembre 2026, avec une valorisation très forte pour la réalisation des stages en zone très sous-dense. »
La quatrième année d’internat de médecine générale doit être professionnalisante ; les docteurs juniors devraient donc être payés à l’acte et non salariés. N’oublions pas de revaloriser fortement les maîtres de stage universitaires (MSU), pièces maîtresses de la formation des futurs médecins libéraux dans chaque territoire.
« Mieux accueillir les médecins à diplôme hors Union européenne (PADHUE) dans le système de santé par une réforme et une simplification des épreuves de vérification des connaissances (EVC). »
Il est indispensable de valoriser et de sécuriser la carrière des PADHUE exerçant en France, en leur accordant le nombre de places prédéfini.
« Les médecins des territoires voisins devront s’organiser et se relayer pour assurer une continuité d’exercice en médecine de premier recours dans ces zones, avec des plannings définis à l’avance sur le modèle de la permanence de soins. »
Comment exiger de médecins traitants travaillant déjà dans des territoires sous-dotés qu’ils compensent les difficultés d’accès aux soins d’autres zones ? Devons-nous travailler davantage encore, au-delà des 55 heures hebdomadaires ? Quels seront les moyens mis à disposition, ainsi que les allégements fiscaux et les majorations d’actes, qui rendraient pérenne le volontariat plutôt que la contrainte ?
4. Autres mesures et remarques :
« Une permanence des soins ambulatoires (PDSA) généralisée — soirs, nuits et week-ends : près de 47 % des médecins de ville s’engagent à assurer des gardes, lesquelles couvrent près de 97 % du territoire. »
La PDSA est une réussite et devrait être citée en exemple de l’engagement des médecins. Recourir à la réquisition reviendrait, une fois encore, à nous sanctionner et aggraverait les déserts médicaux. Enfin, la PDSA de nuit profonde impose que l’État prenne financièrement en charge nos repos compensateurs de sécurité et qu’il trouve une solution pour nos patients.
Nous rappelons à M. le Premier ministre et au Gouvernement que nous ne sommes ni des fonctionnaires hospitaliers — nous n’en avons pas les avantages — ni des pions.
« Un nouveau statut de “praticien territorial de médecine ambulatoire”… Ce statut n’a pas vocation à permettre l’accès au secteur 2. »
C’est une honte et une injustice entre spécialités. Aujourd’hui, les médecins généralistes conventionnés sont cantonnés au secteur 1, soumis à des tarifs opposables déconnectés du coût réel de la pratique, et l’État leur refuse toute possibilité d’accès au secteur 2. Cette iniquité n’est plus tolérable ; des modalités d’accès au secteur 2 pour les futurs généralistes et ceux déjà installés doivent être discutées.
« Mobiliser l’ensemble des compétences du système de santé »
Il s’agit d’une évidence, mais attention au point de non-retour : pertes de chance et erreurs médicales… Les compétences médicales s’acquièrent au terme d’études longues et d’une pratique clinique intensive ; elles ne se transfèrent pas d’un simple trait de plume.
On ne se décrète pas clinicien. Sans examen clinique, il ne peut y avoir de diagnostic — donc pas de traitement adéquat ni de sécurité optimale des soins.
L’UFMLS réaffirme donc son opposition à l’accès direct et à la primo-prescription par les IPA, position partagée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) et son président, le Dr Arnault.
Avant toute mise en œuvre et évaluation, l’UFMLS souhaite retravailler ce document avec le Gouvernement : il mérite d’être consolidé et enrichi de solutions de terrain, détaillées dans Syndicat UFMLS – courrier – propositions aux déserts médicaux
Le bureau de l’UFMLS