Ne plus accepter …
« Ingrats Corporatistes », les mots ont été exprimés par un groupe de députés de la France Insoumise à l’adresse des jeunes médecins au sein d’un amendement dont le but était une fois de plus, de lier coercition et obligation d’installation sur des territoires en tension avec la nécessité fantasmée de rembourser des études que la Nation aurait financées.
Relayée par les réseaux sociaux, l’insulte, car cela en est une, a explosé et a touché au final toute une profession jusqu’aux tripes.
Quelques jours après, Caroline Fiat, députée de la France Insoumise et aide-soignante, seule, s’est excusée auprès des médecins, prenant la totalité de la faute, en une action démonstrative de ce que peut être la lâcheté du jeu politique qui désigne une victime expiatoire pour protéger quelques responsables.
Une recherche rapide sur le site de l’Assemblée Nationale a montré que la France Insoumise avait utilisé à 9 reprises le terme « ingrats corporatistes ». Il ne s’agissait donc, en rien de la faute ponctuelle d’une responsable politique mais bien d’une opinion réfléchie et partagée par un groupe politique…
Cantonner l’expression de ce mépris à l’égard des médecins, à la seule France insoumise serait une erreur ; c’est l’ensemble de la classe politique qui l’exprime aujourd’hui et, les différents amendements votés en Commission des Affaires sociales le démontrent cruellement.
Il faut mépriser une profession pour proposer et faire voter des amendements qui livrent son exercice à la découpe sans avoir au préalable construit le moindre débat avec ses représentants.
Il faut mépriser une profession pour proposer et faire voter un amendement qui rend opposable la désignation d’un médecin traitant par un directeur de Caisse Primaire d’Assurance Maladie après saisine d’un patient.
Au-delà de ces amendements :
Il faut mépriser une profession pour lui imposer une responsabilité populationnelle territoriale au sein de Communauté Professionnelle Territoriale de Santé sous la gouvernance des Agences Régionales de Santé et sous l’influence des Groupements Hospitaliers de Territoire, alors que la difficulté croissante de l’exercice et la situation dans les territoires est la conséquence directe de trente ans d’erreurs de gestion politique.
Il faut mépriser une profession pour proposer la création de postes d’assistants médicaux contre une augmentation des cadences de prise en soin alors que 40 à 50 % de ses acteurs souffrent d’épuisement professionnel lié à une équation destructrice : faire face au sabotage de leur exercice par la réponse à une hausse permanente de la demande en soin.
Il faut mépriser une profession, pour accepter sans mot dire les rémunérations indignes des acteurs de son avenir (0.8 euros de l’heure à bac + 4 et 6 euros 59 de l’heure à bac + 10 pour un rôle et des responsabilités centrales au sein de nos hôpitaux et donc, de notre système de soin.
Il faut mépriser une profession pour la rendre coupable du « dé-aménagement » du territoire et des conséquences directes des politiques économiques successives.
Il faut mépriser une profession pour programmer sans concertation le changement de son mode de rémunération, tout en la désignant coupable d’inadaptation à la qualité des soins.
Il faut mépriser une profession pour l’accabler de taxes de stationnement dans l’exercice de ses fonctions de soin à la population.
Il faut mépriser une profession pour lui imposer de financer les nécessaires mises aux normes handicapées de ses lieux de consultations tout en bloquant ses tarifs au plus bas de la moyenne européenne.
Il faut mépriser une profession pour penser que la construction de Maisons Médicales Pluridisciplinaires suffit à provoquer son installation, alors que les charges d’exploitations sont déconnectées de la réalité tarifaire.
Il faut mépriser une profession pour favoriser et présenter les centres de santé à l’exercice médical salarié comme une solution alors que le modèle économique ne tient que sous perfusion de subventions .
Ces différents exemples de mépris quotidiens, liste non exhaustive, montrent une réalité française : les responsables politiques incapables de construire une politique sanitaire avec la totalité de ces acteurs, se défaussent sur les médecins (et les autres professionnels du soin) et leur imposent un modèle sanitaire et d’exercice dont le seul but est de masquer encore leurs fautes et leurs responsabilités.
Face à une situation qui dure depuis plus de trente ans, la profession a également, une évidente responsabilité, celle de l’acceptation. Le système de santé est malade d’une gouvernance aux mains des seuls décideurs politiques et de leurs relais administratifs et comme dans toute pathologie avancée cela ne peut aller en s’améliorant.
La profession ne doit pas fuir, ne doit plus accepter et doit se faire entendre.
Les médecins ne doivent plus être contemplateurs du déclin organisé de leur profession et de leurs valeurs, ils sont le cœur du système sanitaire et leur expertise est plus légitime que celle des seuls responsables politiques.
Ils doivent se lever, se fédérer, se regrouper, et se préparer à un mouvement pour imposer des Etats Généraux de la médecine et du soin, co-pilotés par la profession et seuls à même de reconstruire notre système sanitaire.
Nous les y aiderons.
Dr Jérôme Marty
Président UFMLS
Gilet jaune