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Le Dr. Jérôme Marty, Président de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML) est le premier médecin à avoir répondu à nos questions. Découvrez le programme santé du Dr. Marty.
Si vous étiez Président, quels seraient vos 3 priorités dans le domaine de la santé en France ?
Dans un premier temps, il faut sanctuariser la déontologie et les valeurs de la médecine :
La profession médicalel doit disposer du régime d’exception dans le cadre de la loi sur le renseignement au même titre que les magistrats et les journalistes. Le dossier médical partagé qui par la loi de modernisation de la santé est géré par la sécurité sociale doit être aux mains de l’Ordre des Médecins. L’article 47 sur les bases de données patients doit faire l’objet d’un moratoire d’une durée d’un an afin de s’assurer de l’inviolabilité des données. On demanderait à ce que la France soutienne la création d’un droit d’ingérence ethique international, ce qui est rendu nécessaire par les nouvelles technologies médicales.
En raison de cette évolution de la médecine, les études médicales doivent intégrer les nouvelles technologies médecine algorithmique, génomique, NBIC … Cela doit être fait sous quatre angles : sanitaire, économique, politique et éthique. Les retentissements positifs et négatifs de ces avancées se doivent d’être abordés de façons à ce que les futurs médecins en soient véritablement maîtres et non dépendants.
On s’attacherait à ce que l’indépendance des médecins et la liberté des pratiques soient elles aussi sanctuarisé. Ce qui touche par exemple le monde syndical avec la suppression du lien entre signature de la convention et subvention des syndicats. Cette réalité est abominable, à la fois en terme d’image et de conflit d’intérêt. Ce qui n’est pas possible. De la même façon on supprimerait les réseaux de soin afin de garantir l’indépendance des médecins. Et enfin limitation du rôle des organismes d’assurances maladie au seul rôle d’assureur, pour nous un assureur ne pas pas avoir un rôle d’organisateur des soins. Il peut assurer et financer mais pas organiser, sinon le conflit d’intérêt est permanent !
Dans un second temps, on tient beaucoup à la mise en place d’une véritable démocratie sanitaire qui se différencie du système médical actuel basé sur la gouvernance politico-administrative. Notre démocratie sanitaire serait composée de trois pôles retrouvés à chaque étage décisionnel: un pôle administratif, un pôle soignant et un pôle patient. Chacun aurait le même pouvoir et chaque décision nécessiterait le vote unanime pour empêcher les dérives connues… De plus nous souhaitons le remplacement des ARS par des agences d’appuis et de partenariat et l’intégration d’une gouvernance démocratique à chaque étage du soin.
Enfin la troisième priorité est plus économique et consiste en la sortie de l’enveloppe tarifaire de l’ONDAM, ce qui s’associe à une nouvelle définition de la valeur des actes. À l’heure actuelle, les politiques se cachent derrière l’ONDAM pour justifier les mesures mises en place et en le supprimant on le force à définir le prix réels de l’acte. Avec la sortie de l’ONDAM on met en place un seul secteur avec une liberté de mise en place de dépassement sous contrôle de la Haute Autorité de surveillance Médico-Économique (HASME).
Par ailleurs la contractualisation entre assurance maladie et patients apparaît nécessaire. L’assurance maladie est le seul organisme d’assurance, qui ne contractualise pas avec ses affiliés. Or, toutes les dérives sont souvent provoqués par une ignorance des droits et devoirs des patients. Le contrat permettrait de les guider. De plus nous souhaitons la mise en place d’un contrat d’indépendance avec les médecins, dans lequel l’assurance maladie et les complémentaires signent, qu’elles n’influeront pas sur leur indépendance, de la même manière que la Justice l’est de l’État.
Si vous étiez Président, quelle serait la première loi que vous feriez appliquer dans le domaine de la santé ?
La toute première loi, sera une loi rectificative de la loi de modernisation de la santé et plus précisément de son premier article. Nous mettrions en place l’abrogation de l’article 1 et l’abrogation des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ainsi qu’une révision des contrats responsables. Cela doit être fait immédiatement. L’article un c’est l’article qui dit que l’État est responsable de la politique de santé mais si on base nos actes sur la sanctuarisation alors on ne peut pas le garder !!
Si vous étiez Président, quelle seraient vos propositions de solutions pour lutter contre les déserts médicaux ?
Plan de relance de la médecine libérale avec une valorisation et une flexibilité de l’exercice. Il faut favoriser les passages de secteur privé à public et inversement. Un jeune qui s’installe à l’heure actuelle n’aura pas la vie professionnelle de ses aînés et aura plusieurs types d’exercice. Il faut aussi favoriser l’exercice multisite.
Il faut favoriser la création de centres d’urgence libéraux en maillage de territoire. Ces derniers auraient nomenclature de l’acte d’urgence et seraient gérés par des libéraux afin de décharger les centres d’urgences qui n’en peuvent plus.
On augmente évidemment le numerus clausus en sachant que le bénéfice est à l’horizon de 10 ans.
On souhaite une modification entrée en 3e cycle afin de garantir excellence de la filière :
Création d’une enveloppe de financement des mises aux normes les cabinets médicaux à la place d’investir à tout va dans la création de maison de santé pluridisciplinaire. Ces dernières sont non seulement coûteuses mais restent pour la plupart vides. Il faut donc faire un transfert des priorités.
Mais tout cela ne pourra se faire que si on met en place une véritable politique d’aménagement du territoire. Les déserts médicaux se trouvent un peu partout, il faudrait la création d’un “super-ministère” qui regrouperait les ministères du commerce, de l’industrie, de l’artisanat, des transports, de la santé, de la sécurité ainsi que l’éducation nationale. Cela devrait être mis en place région par région.
Si vous étiez Président, comment lutteriez-vous contre le déficit des caisses d’assurance maladie ?
Tout d’abord il faut mettre en place un audit des comptes par la HASME tous les trois ans. Ensuite il faudra alléger les missions de l’assurance maladie : suppression de la ROSP avec fléchage vers un paiement à l’acte plutôt que la forfaitisation, qui est un lien de subordination entre le médecin et la caisse. Et puis on procéderait à la suppression d’un certain nombre d’agences, car ces dernières coûtent 40 milliards / an. On interdit la profession de lobbyiste pour tout ce qui touche au sanitaire et on exige une transparence totale.
La relance de la politique de prévention est elle aussi nécessaire, tout comme la rémunération de l’acte de prévention.
La France a une population vieillissante, c’est pourquoi on tient beaucoup à la prise en charge des pathologies neuro-dégénératives. La filière gériatrique doit devenir une filière d’excellence.
On s’aperçoit aujourd’hui, qu’il est difficile de trouver du personnel pour cette filière. Or si on en fait une filière d’excellence, elle ne sera plus délaissée par les professionnels. En parallèle il faut développer les petits unités libérales et les centres de prise en charge afin d’assurer la proximité des familles avec les aïeux.
Tout cela permettra à terme des économies d’échelle.
Texte : esanum / pg
Photo : Frederic Legrand – COMEO / Shutterstock et Imagine Photographer / Shutterstock
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