Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé dit “Ma Santé 2022” est un projet de loi non abouti, qui ne tient compte ni des enjeux ni des besoins.
L’utilisation d’une procédure accélérée par ordonnance ne se justifie pas, la santé relève d’une consultation prolongée et de l’engagement de tous ses acteurs, patients et soignants, tel n’a pas été le cas.
Le projet de loi est parsemé de blancs et de flous qui devraient être remplis par ordonnances et décrets, ce qui, quoi qu’en disent les thuriféraires du projet n’est en rien un critère d’ouverture et de construction démocratique.
Sur la formation :
Le flou domine : la suppression du concours de première année ne semble pas avoir été travaillée et rien ne précise comment la nécessaire sélectivité des études de médecine sera maintenue.
La ministre sort du chapeau une augmentation de 20 % de médecins formés, mais semble incapable d’en expliquer les modalités. “Une régulation sera instaurée, les ARS et les universités définiront le nombre d’étudiants formés dans les quatre filières”. “Des objectifs nationaux pluriannuels seront établis pour satisfaire les besoins du système de santé”. Un verbiage technocratique qui ne donne aucune explication réelle.
Les modalités d’admission en 2e ou 3e année du premier cycle, les parcours de formation exigés, les objectifs nationaux pluriannuels, les mesures transitoires vers les étudiants ayant échoué en PACES 2019/2020 seront précisés par décret ! Circulez y a rien à voir !
La suppression de l’ECN ne semble pas mieux préparée et seule l’annonce d’une note minimale garantissant l’entrée en 3e cycle paraît aboutie.
Quid du fond ?
Le monde change, les nouvelles technologies NBIC, médecine algorithmique, intelligence artificielle, génomique… révolutionnent la médecine. Où se trouvent-elles dans le cursus universitaire de nos médecins de demain? Quels investissements pour garantir la place de notre médecine et de nos médecins, au plus haut de la hiérarchie mondiale. Le projet de loi ma santé 2022 ne s’attaque qu’à la forme des études médicales et oublie le fond. La compétition est lancée depuis des années, la Chine, les USA et d’autres puissances ont plusieurs tours d’avance…
Le projet de loi “Ma santé 2022 propose de seulement légiférer sur le nombre de nos athlètes médecins et la façon dont ils vont prendre le départ. C’est d’une inconséquence dramatique !
Sur l’attractivité
Sur l’attractivité des professions médicales, seule clé de sortie de la crise démographique, osons le dire il n’y a rien !
Les contrats d’engagement de service public (CESP) sont étendus aux médecins diplômés hors de l’Union Européenne, le statut de médecin adjoint est élargi aux zones en tension ou lors de carences ponctuelles constatées, le recours à l’emploi contractuel est facilité à l’hôpital et la ministre annonce vouloir renforcer l’attractivité des carrières hospitalières par la suppression du concours de Praticien Hospitalier et la création du statut unique de PH ….
Il n’y a rien au regard de la réalité des besoins.
Du bricolage sur la forme et rien sur le fond !
En un peu plus de 30 ans les politiques successives ont rendu les professions non attractives à force d’hyper-administration, de main mise des “tutelles”, et de blocages tarifaires sous ONDAM.
Le projet de loi « ma santé 2022 » n’aborde en rien cela, tout juste organise-t-il une part de subvention de la formation pour contractualiser quelques années d’installation sous le même régime destructeur de carrières.
A l’hôpital, nul changement de gouvernance, malgré les drames répétés, l’administration reste seule aux commandes. La démocratie sanitaire n’entre pas à l’hôpital.
Sur l’organisation territoriale :
L’hôpital prend la main sur la médecine de ville. Les communautés territoriales de santé et les hôpitaux locaux seront étroitement liés aux GHT pièce maîtresse de “Ma Santé 2022”.
Le projet de loi n’aborde en rien la gouvernance de cette nouvelle organisation en particulier s’agissant du financement au parcours ou à l’épisode de soin, annoncé par Emmanuel Macron le 18 septembre 2018 comme appelé à devenir le moyen de financement principal à l’hôpital comme en médecine de ville.
Les ARS voient leurs pouvoirs renforcés sur la médecine de ville par la contractualisation qui lui est imposée au travers des CPTS et de la création des assistants médicaux. Il est permis de parler de cynisme lorsque le projet de loi crée le concept de responsabilité territoriale pour les médecins, afin de masquer aux yeux du peuple les conséquences de leurs politiques sur le système de soin. Il manque des médecins ? Peu importe, ceux qui restent vont devoir augmenter leurs cadences ! Pour cela des postes d’assistants seront créés, que les médecins devront eux même rémunérer, après une courte période de subvention, grâce aux revenus liés à cette médecine d’abattage !
C’est ainsi le gouvernement et lui seul qui va décider de l’organisation territoriale hospitalière, comment cautionner cela ?
Sur le numérique :
L’UFMLS alerte face au risque, demain permanent d’atteinte au secret médical avec la création d’une plateforme des données de santé dont le but est de « réunir, organiser et mettre à disposition les données du système national des données de santé (SNDS) » qui réunit la base PMSI, les causes médicales de décès, des échantillons de data en provenance des complémentaires –et qui sera enrichi de l’ensemble « des données collectées lors des actes pris en charge par l’assurance-maladie » afin de « multiplier l’exploitation des données de santé ».et dont l’accès ne sera plus limité à la recherche, études, évaluations mais élargies au traitement « de données concernant la santé ».
Flou volontairement entretenu qui ouvre la porte à toutes les possibilités en terme d’exploitations économiques, politiques ou assurantielles. La décision de création d’une telle base et son ouverture aux quatre vents ne doit pas dépendre d’une loi mal ficelée et accélérée dans sa mise en place.
A côté de cela, le télé-soin apparaît être un détail, il est pourtant pathognomonique d’une loi qui ne cherche pas à soigner le malade mais juste à prolonger son existence : Il manque des médecins, la loi développe le télé-soin pour mettre le patient en relation avec d’autres profession de santé …
L’intention est louable mais n’est qu’une adaptation à la crise…
Sur la certification :
L’ordonnance créera une procédure de certification permettant de garantir « à échéances régulières au cours de la vie professionnelle, le maintien des compétences et le niveau de connaissances des médecins »
La certification serait tous les 6 ans pour les nouveaux médecins diplômés à partir de 2021 et sur le mode du volontariat pour les praticiens en exercice.
L’UFML-S s’étonne de cette différenciation clivante dont le but vraisemblable est de faire accepter sans trop de vagues une charge de plus à une profession qui n’en peut plus.
L’UFML-S rappelle que l’accréditation devenu certification a, pour les établissements de soins débuté tous les 5 ans, pour passer à 4 ans puis devenir continue, sous des exigences qui n’ont fait que se renforcer au fil du temps.
L’UFML-S soutient la nécessité de tout mettre en œuvre pour garantir le maintien d’une médecine de qualité, et en ce sens n’accepte pas que l’on impose la certification avant d’avoir résolu la crise de l’attractivité de la médecine. Une profession sous tension ne peut être certifiée.