Lettre ouverte à Mme Agnes Buzyn et au président l’Ordre des Médecins suite au courrier adressé par l’ARS PACA relatif aux expulsions de migrants.

Logo UFML SYNDICAT5 Janvier 2018

Madame la Ministre des Solidarités et de la Santé,
Monsieur le Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins,
Monsieur le Président de la Section Ethique et Déontologie,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National de l’Ordre des Médecins,

 

Chères consœurs, chers confrères,
Nous nous permettons d’attirer votre attention sur des faits qui nous paraissent porter gravement atteinte à l’éthique, à la déontologie médicale et à l’image même de la médecine , des médecins et des soignants dans la société.

Par un courrier en date du 7 décembre 2017,  le Dr Norbert NABET, médecin, Directeur général de l’ARS de PACA, s’adresse en ces termes aux Directrices et Directeurs des Centres Hospitaliers des Bouches-du-Rhône au sujet des patients hospitalisés sans leur consentement en unités de soins psychiatriques et en situation irrégulière :
« Dans la mesure où ces patients sont pris en charge par vos équipes, je vous informe que mes services vous communiqueront, en même temps que l’arrêté préfectoral de levée des soins sans consentement, la décision d’obligation de quitter le territoire ainsi qu’une notification à faire signer par le patient. Une fois signée, il vous appartiendra de renvoyer la notification à mes services dans les plus brefs délais, lesquels se chargeront de la transmission en préfecture. Dans le cas d’un refus de signature par l’intéressé, vous voudrez bien retourner à mes services la notification avec la mention « refus de signer » contre-signée par un cadre soignant ».
Il ne nous paraît pas concevable qu’en France, en 2017, des médecins et des soignants voient leur mission de soins détournée pour devenir des auxiliaires des services de la Préfecture.
Comme l’indique le Conseil National de l’Ordre dans ses commentaires de notre code de déontologie, « L’essentiel de l’éthique médicale est condensé dans cet article qui fait ressortir les obligations morales du médecin :
Article 2 (article R.4127-2 du code de la santé publique)
Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité.
Le respect dû à la personne ne cesse pas de s’imposer après la mort. »

Ces mêmes commentaires précisent :
« Le praticien doit honorer le contrat moral qui le lie à un patient, répondre en conscience à une confiance et accomplir un devoir qui lui est propre. La société lui a confié un rôle privilégié : donner des soins aux personnes malades, mais aussi, être le défenseur de leurs droits, des personnes fragiles ou vulnérables (mineurs, majeurs protégés, personnes âgées handicapées ou exclues des soins …), lutter contre les sévices quels qu’ils soient et quelles que soient les circonstances. Il doit être un acteur vigilant et engagé dans la politique de santé publique, qu’il s’agisse de la prévention, de l’épidémiologie ou de l’éducation à la santé. Toutefois, le médecin doit se garder, dans cette action de santé publique, des effets pervers d’une prévention collective autoritaire. »
L’Article 3 (article R.4127-3 du code de la santé publique) précise :
« Le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine. »
Est-ce moralement acceptable de trahir la confiance d’un patient fragile et celle de sa famille en remettant un tel document à sa sortie de l’hôpital ? Est-ce moralement acceptable de mettre une pression sur le patient pour lui faire signer une notification d’obligation de quitter le territoire, un cadre soignant devant être présent pour attester et contre-signer un éventuel refus ?
Les médias se sont déjà, à juste titre, emparés de cette affaire, emblématique d’une déshumanisation de la médecine, d’une médecine aux ordres, où le rôle même du médecin n’est plus celui de soigner, d’aider le patient et de l’accompagner mais de rompre la relation thérapeutique et de la trahir.
C’est le cas par exemple du magazine les Inrocks dans son édition du 05/01/2018 :
N’y-a-t-il pas, déjà dans ces faits, une déconsidération de la profession, une dégradation de l’image de la médecine et des médecins, contraire à l’article 31 de notre code :
Article 31 (article R.4127-31 du code de la santé publique)
« Tout médecin doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. »
Comment un médecin ou un soignant pourrait-il être contraint par une directive émanant elle-même d’un médecin d’accomplir des actes qui iraient totalement à l’encontre de la confiance que le patient a pu lui accorder ?
Comment pourrait-on à ce point détourner le sens et l’essence même de notre mission qui est de soigner et de protéger nos patients ?
S’agissant de patients sortant d’un service psychiatrique, hospitalisés de surcroît sans leur consentement, en situation de détresse sociale et psychologique, susceptibles d’attenter à leur propre vie, comment peut-on un seul instant imaginer que le lieu et le moment propice à la remise d’une obligation de quitter le territoire français soient la sortie d’un hôpital ?
Comment a-t-on pu envisager un seul instant que ce soit un soignant en blouse blanche qui soit chargé de cette mission ?

Si nous nous adressons à vous, c’est pour porter la voix de nos consœurs, de nos confrères, qui nous ont contactés pour nous témoigner de leur profonde indignation face à ces faits.
Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous informer des suites que vous envisagez.
En vous remerciant de votre attention, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil National de l’Ordre des Médecins, l’expression de notre très haute considération.
L’UFML-S

Dr Jérôme Marty : Président Dr Valérie Briole : Secrétaire générale Dr Lamia Slitine : Trésorière
Dr Paule-Annick Ben Kemoun Dr Jacqueline Goltman Vice présidentes
Dr Franck Chaumeil Dr David Schapiro Vice Présidents
Dr Stéphan Meller : Secrétaire général adjoint
Dr Marie Hélène Bouyer Bonfait : Trésorière adjointe

Ci-après, le courrier de l’ ARS PACA du 07/12/17

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2 Commentaires
  1. Pichon 7 ans Il y a

    Le CV du Dr Nabet ne laisse pour moi aucun doute (http://www.lesdebatspublicsdelipc.com/wp-content/uploads/2016/06/Norbert_Nabet_CV_16.pdf). En tant que directeur général adjoint, Il n’est pas aux ordres, il donne les ordres, et fait les lois. Il a été conseiller auprès de R. Bachelot en charge de l’écriture du titre 2 de la loi HPST de 2007 à 2009. A mon sens, s’il est l’auteur de cette lettre, Il doit être radié de l’ordre des médecins. Pour cela faut-il encore qu’il soit inscrit à l’ordre. Est ce le cas ?

  2. GAUTIER 7 ans Il y a

    C’est sur que le Dr NABET est … expéditif mais , ce sont les directeurs, non les médecins qui sont directement concernés par cette injonction musclée. Les médecins le sont indirectement par la levée de la mesure de soins sans consentement. Or, en général, elle est assortie d’une obligation de soins psychiatriques ambulatoires. On ne lâche pas les malades sans les soigner. Les patients sont en principe inexpusables s’ils s’y soumettent.

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