Ces derniers temps, il est de bon ton, au gré de l’examen de la Loi Santé, de casser encore et toujours du médecin.
Et pour cela, tous les artifices sont de sortie, de « l’ingratitude corporatiste » au méchant nanti aux études payées par l’Etat, tout est bon, aux yeux de nos élu-e-s, pour casser du médecin.
Et quand ils n’ont pas d’autres arguments permettant de maquiller leur médiocrité, les politiques osent encore et toujours sortir l’argument d’autorité, plus médiocre et malhonnête encore, du Serment d’Hippocrate.
Ah, le fameux Serment d’Hippocrate, du nom de ce médecin grec antique, considéré comme un des patriarches de la médecine. Ce Serment, je l’ai prêté le 5 décembre 2014.
Y repenser me procure toujours cette émotion forte, émotion qui m’étreint tant ce jour là, que je faillis en pleurer. Comme il avait raison, le Président de mon Jury de thèse, lorsqu’il me dit que c’était ce qui nous distingue de toutes les autres filières universitaires.
« Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure de rester fidèle aux lois de l’honneur et de la probité »
Mais que contient-il, alors, ce Serment d’Hippocrate, ce serpent de mer pour député à court d’idée, cet argument d’autorité qui devrait enchaîner le médecin à son sacerdoce ?
Sutout, et dès que les médecins portent, hélas trop rarement, de façon unitaire, des revendications en rapport avec ce qu’ils ont vécu ou vivent, le Serment d’Hippocrate s’abat sur eux de la bouche de gens qui sauraient mieux, comme une sorte de point Godwin de la médecine.
Sur nos honoraires, et leurs montants qui ne nous placent pas, pour les tarifs opposables, dans le haut du classement de l’OCDE : SERMENT D’HIPPOCRATE !
« Je donnerai mes soins gratuits aux indigents et à quiconque me les demandera ».
Ce que nous faisons, que ce soit par le tiers payant « social » (CMUC, AME), ou par humanité et décence.
Il m’est déjà arrivé de ne rien toucher que ce soit parce que j’avais en face de moi un demandeur d’asile avec son seul sauf conduit, ou un patient en fin de droits et maigre d’argent, sans compter les certificats de décès que je ne facture pas, faute d’acte pris en charge par l’assurance maladie, en journée par décence également. Et si c’est à refaire, je le referai.
Qu’on arrête de me parler d’argent. Je ne vole personne et la sécurité sociale n’est qu’un tiers payeur, pas mon employeur.
Et pour mes consoeurs et confrères du Secteur II, demandez vous pourquoi l’Etat a préféré laisser filer les compléments d’honoraires plutôt que de revaloriser les tarifs opposables à hauteur de l’augmentation des outils techniques et des cotisations assurantielles.
La responsabilité incombe à ceux qui n’ont pas eu le courage de faire accepter aux électeurs une augmentation des cotisations pour l’assurance maladie, tout en imposant la mutuelle d’entreprise, offrant un boulevard aux complémentaires privées pour s’en remettre plein les poches.
Je salue ici le courage des hospitaliers du public qui tiennent l’hôpital public en étant sous payés, peu valorisés, et à l’aide d’une main d’oeuvre corvéable, compétente et bon marché, les externes et internes.
Sur nos études, payées comme tous les autres étudiants de France à l’université par le contribuable, et qui devrait nous contraindre, nous seuls, à aller là où il n’y a plus de service public, plus d’école, et pas d’emploi pour nos conjoint(e)s : SERMENT D’HIPPOCRATE !
J’ai beau chercher dans le serment que j’ai prêté : Rien ne m’oblige par déontologie à aller m’installer sous contrainte, pour éviter aux incapables politiques, qui de numerus clausus en ECN, d’ordonnances Juppé en Loi Touraine, ont contribué à dégouter les jeunes de l’installation libérale, et se rendent compte qu’il est plus facile d’enfoncer la tête des médecins sous l’eau que d’assumer leur indigence en politique de santé depuis 40 ans. Je n’ai de compte à rendre que devant mes patients, et ils ont les moyens de se défendre.
Pour le reste, réservez votre agressivité et vos avis google anonymes au Palais Bourbon et à l’Avenue de Ségur.
Enfin, les étudiants en médecines font économiser, durant leurs études, 80000 à 200000 selon la spécialité, à l’Etat.
Ainsi, ni moi, ni aucun autre médecin formé en France, n’a à devoir quoique ce soit, à l’exception existante des médecins militaires et des courageux que le Contrat d’Engagement de service public a tenté.
Je pourrais en dire sur le Serment d’Hippocrate que les politiciens de tous bords souillent de leur indigence et de leur incapacité à assumer 40 ans de casse du système de santé Français. Je les invite plutôt à le lire, je ne leur demande pas de le prêter, ils se parjureraient dans la foulée et se verraient, une fois de plus, « déshonorés et méprisés. »
« Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque. »
Il a bon dos, Hippocrate !
Dijon le 21 mars 2019
Docteur Martin AMBROISE