Article publié sur Thema-radiologie.fr
Le secteur de la radiologie, comme la plupart des spécialités médicales, n’est pas dans une période très florissante, en termes économiques ou de ressources humaines. Nous avons, lors d’un entretien récent, évoqué ces problèmes avec le Dr Henri Guérini, radiologue et vice-Président de l’Union Française de la Médecine Libre (UFML). La pénurie de radiologues et de MERM, la financiarisation de la médecine libérale ou la pertinence des actes sont quelques items que nous avons abordés.
Thema Radiologie : Le secteur de l’imagerie médicale connaît une période de crise des ressources humaines majeure. Comment en est-on arrivés là ?
Dr Henri Guerini : Il s’agit d’un phénomène global entretenu par l’État depuis des années. Sa stratégie a consisté à réduire les numérus clausus médical afin que la Santé ne coûte pas trop cher. Pour les manipulateurs d’électroradiologie médicale (MERM), c’est la même philosophie = plus de personnel paramédical en traîne plus de dépenses. Pour les autorisations de matériel lourd (scanner, IRM), on a fait de même en les limitant pour moins dépenser et pour ne pas avoir à embaucher trop de MERM, ce qui a entraîné un déficit d’exposition et de valorisation de cette profession, une faible dotation des instituts de formation par manque d’offre et qui nous place aujourd’hui en queue de peloton en matière d’équipement de ce type en Europe.
T.R. : La problème concernant les MERM semble plus grave que ce que l’on a pu penser il y a seulement quelques années. Quels sont les risques ?
Dr H.G. : En termes de recrutements dans les instituts tout d’abord, ce manque de visibilité nuit à la qualité des candidats, d’autant que depuis qu’ils accèdent à la formation par Parcoursup il n’y a plus de filtrage à l’entrée, à part le dossier scolaire qui ne dit rien de la motivation de ces derniers à embrasser cette carrière, et réduit, par ricochet, l’attractivité du métier. Le risque majeur est de créer, à court terme, des sous-métiers – exemple : aide-MERM – sous-payés dans les cabinets de radiologie. Cela ne pose aucun problème de légalité s’ils ne déclenchent pas les acquisitions d’images. Ces nouveaux professionnels peuvent ainsi accueillir et placer les patients avant que l’image soit acquise. Il suffit juste d’une personne responsable dans la structure. Cela relève pour moi de la même dérive que les aides médecins ou les fonctions de pratiques avancées paramédicales. De la même façon que je suis contre la délégation de tâches de MERM aux aides-MERM, je conteste la délégation de tâches médicales aux MERM.
T.R. : Pourtant, le processus est en marche et beaucoup de MERM se forment à l’échographie ou à l’interventionnel et les centres en ont besoin. Qu’est-ce qui vous gêne dans cette démarche ?
Dr H.G. : Je suis très ami avec les MERM et je reconnais bien volontiers le niveau de technicité qu’ils ont acquise au fil des années pour suivre l’évolution technologique des modalités d’imagerie. J’en connais qui ont un haut niveau d’exercice et qui font de la recherche paramédicale. Mais l’échographie ou la pose de Piccline sont de la responsabilité des radiologues et ces pratiques font courir un vrai risque aux MERM, juste pour couvrir le déficit en médecin favorisé par l’État. Pourquoi, par exemple, avoir rallongé les années d’internat, créé l’année de Dr junior ou les deux années supplémentaires optionnelles en interventionnel ? Le Ministère argumente par la complexité du métier et d’un autre côté il réduit la valorisation de l’acte intellectuel. Il faut au contraire réduire les années d’internat et aiguiller les jeunes radiologues plus tôt vers l’interventionnel.
T.R. : La Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR), qui représente les radiologues libéraux, a récemment communiqué sur sa lutte contre la financiarisation de la radiologie. Vous devez certainement accueillir cette évolution avec satisfaction ?
Dr H.G. : Je suis effectivement heureux que la FNMR ait pris conscience de cette problématique, bien qu’elle ait favorisé cette évolution depuis plusieurs années. Je m’explique : ce phénomène de financiarisation a touché tout d’abord le secteur de la biologie qui, à force de baisses des actes, a vu nombre de laboratoires de ville perdre en rentabilité et être rachetés par des fonds de pension qui ont fait des économies d’échelle. Cela a coulé le secteur ! Maintenant, place à la radiologie libérale. Les baisses tarifaires des actes de radiologie, validées par des accords signés par la FNMR, a entraîné une baisse d’attractivité des cabinets de radiologie. Au moment de partir à la retraite, les anciens n’ont pas trouvé de repreneurs plus jeunes et ont commencé à vendre eux aussi aux fonds de pension. Le tout, au bénéfice de l’État qui fait des économies. C’est la raison pour laquelle, en tant que vice-Président de l’UFML, je me réjouis que ce séminaire pluridisciplinaire ait été organisé pour lutter contre ce risque. Mais les radiologues doivent balayer devant leur porte et tout radiologue qui vend son outil de travail à la finance ne doit pas être membre de la FNMR. Il devrait exister par exemple une charte d’adhésion.
T.R. : Abordons pour finir le problème des actes d’imagerie répétés et redondants. Les recommandations liées à la pertinence des actes vous semblent-elles efficaces ?
Dr H.G. : L’évolution technologique et la baisse de la pratique clinique ont fait de la radiologie le stéthoscope moderne. À partir de ce constat, et j’ai écrit quelques articles sur le sujet, il ne faut pas faire porter la responsabilité de la pertinence aux radiologues. Celle-ci est largement partagée avec les prescripteurs et les patients. Il y a un gros travail de formation à réaliser auprès des demandeurs d’examens d’imagerie. Idem pour les patients, dont le nomadisme médical doit être combattu. Espérons que le dossier patient informatisé et la plateforme « Mon Espace Santé » pourra permettre d’en contrôler les abus. Mais quand on voit que la Haute Autorité de Santé justifie la prescription d’une IRM lombaire pour une lombalgie chronique alors que l’accord conclu par la FNMR restraignait les prescriptions d’IRM pour les lombalgies, on se dit qu’il y a du chemin à faire…En tout cas, et pour finir, je dirais que l’enveloppe imagerie de l’ONDAM ne doit plus être aussi contrainte qu’elle ne l’est actuellement.
Propos recueillis par Bruno Benque