- Les préalables
Ophtalmologiste médicale installée par choix en milieu rural, solo et prisonnière du S1
RDV non urgents donnés à 12 -14 mois de délai
Tous nouveaux patients acceptés, certains à délai court en fonction de l’urgence.
Patientèle âgée ou très âgée (moyenne d’âge 75 ans) dont 10% vierges de tout ophtalmo => consultations longues et complexes.
Compte tenu de ce recrutement, d’une trop grande empathie ou écoute de ma part l’entreprise était de moins en moins rentable (oh le vilain mot ! ).
L’âge venant ma force de travail a décliné et pour être tout à fait honnête je n’avais plus envie de consacrer du temps pour 28 ou 30 € la passe.
Agée moi même de 64 ans au moment du passage « du côté obscur »
Ce passage hors convention a été longuement mûri et le facteur déclenchant a été le vote de la loi santé en décembre 2015.
- Le passage lui même
Il fut simple mais pas sans accroc : envoi d’une LRAR à la direction de ma CPAM 1 mois avant .
Reçu une réponse entérinant ma décision
Exigence de la directrice de la CPAM que je vienne confirmer ma signature dans ses bureaux
Je l’ai fait d’assez mauvaise grâce d’autant plus que j’avais la crève et de la fièvre.
En signant je lui ai dit : “j’ai accepté de venir malade dans l’espoir de vous passer mes microbes”
Elle m’a juste dit que je serais affiliée au RSI, j’ai haussé les épaules
et une fois que j’ai signé, avec un grand sourire je me suis offert un : «tout est fini entre nous »
le S3 démarrait au 1er janvier 2017
mais … en février 2017 j’ai reçu une lettre de la CPAM qui faisait démarrer mon passage S3 en février.
J’ai téléphoné à la directrice en déclarant : « j’ai signé pour le 1er Janvier 2017, vous n’aurez pas un sou de moi si vous avez remboursé mes patients du mois de janvier »
Elle a demandé combien je prenais
J’ai répondu 50€
Elle s’est écriée « ah quand même ! » … là je crois que si je m’étais trouvée face à elle j’aurais eu des mots ou un geste violents.
- L’année 2017
Elle a démarré très doucement avec une cinquantaine de RDV sur le mois de janvier et pas besef sur février… le temps que je m’aperçoive qu’une rumeur de départ en retraite était la principale cause de désertion des patients.
Le cabinet était vide, le téléphone désespérément muet, le compte en banque se vidait dangereusement et les comptes épargne itou.
Vers le mois de mai j’ai procédé au licenciement économique de ma secrétaire (et de l’orthoptiste)
Progressivement, mon agenda s’est rempli plus correctement grâce aux opticiens contents d’avoir un oph qui donnait des rdv hyper rapides et aux confrères voisins qui m’adressaient tous leurs nouveaux patients.
Le bilan de l’année 2017 : un déficit de 13000€ correspondant aux indemnités de licenciement de ma secrétaire.
A noter que le SNIR était complètement farfelu avec plusieurs actes conventionnés et d’autres en dépassement. J’ai manqué de temps pour me plaindre.
- L’année 2018
Les RDV se remplissent à la semaine. Il est prévu ½ heure par patient (y compris les qq gratuits) . Le bouche à oreille a fait son effet.
L’âge moyen de la patientèle s’est rajeuni, (50-60 ans)
Les patients qui n’ont besoin que de qq minutes d’examen sont examinés avec un peu plus d’attention et d’écoute mais sans « remplissage »inutile .
N’ayant plus de secrétaire, je gère mes rdv en répondant au téléphone, ou en déclenchant un répondeur filtrant.
Chaque patient se voit remettre son dossier et une facture (en plus de la feuille de soins
+++ au bas de la facture et du dossier un petit laïus expliquant que la sécu rembourse au tarif dit de « responsabilité » : 0,68 € sur mes CS quel qu’en soit le prix et que la plupart des mutuelles si promptes à prendre en charge les ostéopathes (y compris non kinés) refusent la prise en charge ou acceptent de rembourser 0,20 € !
En résumé
-Agenda rempli correctement mais non surchargé
-rajeunissement de la patientèle
-confort de travail +++
-réponse aux questions concernant le déconventionnement
-les sous : quasi même résultat qu’en S1 mais moins de fatigue, moins de stress, meilleure image de soi, respect +++
- Conclusion
-idéal pour Oph médical isolé S1 rural surbooké proche retraite et limite burn out
-déconseillé si plusieurs de ces conditions ne sont pas réunies.
– Ne pas espérer faire fortune mais confort de travail incomparable
-Inverser la charge de responsabilité du remboursement des CS
-Refuser la culpabilisation +++ rester « droit dans ses bottes »
-le déconventionnement est un saut dans l’inconnu la liberté se paie au prix fort
– A titre personnel je n’ai pas regretté ce choix qui ne fut pas un « long fleuve tranquille » mais qui me laisse chaque jour un sentiment grisant de liberté.
« On ne négocie pas la liberté on ne marchande pas l’indépendance ! »
Dr Paule-Annick Ben Kemoun
VP UFML-S
Tags: Déconventionnement