“Personne ne croit plus au grand soir”… Je lisais ce matin cette réflexion : qui pourrait se satisfaire des négociations, des recherches de “plus petit dénominateur commun”, des arrangements avec l’ennemi, qui solde le combat, qui ouvre à la résignation, qui accepte, qui aménage son exercice au sein du périmètre imposé par d’autres, et y recherche de maigres victoires … Peut-on se satisfaire de cela ?
Je me permettrai quelques rappels :
Nous sommes dans le viseur.
Jamais nos professions n’ont eu à subir politique plus élaborée, plus réfléchie, plus claire, toute entière tournée vers la disparition de notre modèle professionnel, et la concrétisation de la quête de la technostructure : l’encadrement de la médecine, l’obéissance de ses acteurs, l’étatisation du soin, le legs de son déficit au marché. Une politique débutée il y a quelques années avec les ordonnances Juppé et la création de l’Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie (ONDAM), Golem intouchable, qui à lui seul construira l’enfermement des professions de santé au sein d’une logique de responsabilité punitive de la crise économique et du déficit de la sécurité sociale. L’état économique du pays justifiera dès lors la baisse continue de l’ONDAM, et imposera aux professions de santé une baisse, un blocage, ou de maigres augmentations de leurs rémunérations assortis d’outils de surveillance afin de ne pas franchir une ligne rouge, tracée toujours plus près du fait d’autres motifs que ceux du soin… Les syndicats se battront alors contre la maîtrise comptable et les lettres clés flottantes. Ils obtiendront gain de cause sur cela, crieront victoire… l’ONDAM restera… La “maîtrise médicalisée des dépenses de santé” concept lié à l’ONDAM apparaîtra et la CSMF portera les Références Médicales Opposables, multipliera les réunions auprès des confrères pour les convaincre du bien-fondé de la chose : “obéir pour être rémunéré mieux” : tout un programme… Embryon d’une médecine guidée par les référentiels, écrits par des structures centralisatrices, aux liens ténus avec le pouvoir : ANDEM puis ANAES puis HAS, toujours plus fortes, toujours plus présentes, toujours plus directives et sanctionnantes. La course folle se poursuivra avec la loi HPST, et le renforcement du pouvoir des Agences régionales de santé. Là encore, des syndicats s’opposeront et vendront à la profession des victoires à la Pyrrhus. Ainsi la CSMF nous dira avoir sauvé la profession de son assujettissement, mais, comme l’ONDAM était resté sous Juppé, les ARS sortiront plus fortes que jamais du combat et les médecins seront toujours plus encadrés. Là encore, ce combat se clôturera par l’apparition du Paiement à la Performance : P4P, qui deviendra assez rapidement ROSP Rémunération sur Objectifs de Santé Publique, porté par la CSMF, le SML et MGF contre l’Ordre et un certain nombre de médecins comme D. Dupagne, C Lehmann ou votre serviteur qui déjà mettront en exergue l’inévitable perte de liberté et d’indépendance induite par un système qui lie le soignant au financeur et le risque d’une médecine dirigée par d’autres intérêts que le soin… Puis vint Marisol, je ne m’étendrai pas sur les réformes qui seront votées sous sa mandature hormis pour rappeler le lien étroit entre l’avenant 8 et son Contrat d’Accès au Soin, la loi Leroux et ses réseaux de soin, l’Accord National Interprofessionnel, et La loi de modernisation de la santé, avenant et lois entièrement tournés vers : la disparition du S2 , l’augmentation de la part de remboursement et du rôle politique des complémentaires au sein de la gouvernance et du financement du système, l’encadrement et l’assujettissement du médecin et du soignant à l’état, à ses relais et au financeur… Avenant 8 porté par la CSMF et MGF (le SML le portera puis le dénoncera sans toutefois retirer sa signature), la FMF s’opposera mais signera l’avenant 11 qui consacrera l’abolition d’une borne basse de signataire nécessaire à sa mise en œuvre, non atteinte et pour laquelle l’UFML avait envoyé un huissier à la CNAM engageant la victoire…La FMF expliquera que l’alinéa consacré était invisible au milieu d’un texte chargé d’autres points et prendra les mesures pour que cela ne se reproduise pas. Loi sur les réseaux et ANI non combattus par la CSMF et MGF, et enfin …. Loi sur la modernisation de la santé, dont il faut rappeler qu’elle fut annoncée lors du discours de présentation de la Stratégie Nationale de Santé par Marisol Touraine et qu’aucun syndicat ne s’éleva alors contre la notion de Tiers Payant Généralisé… L’UFML se fendit même d’un communiqué de presse où l’assujettissement de la profession, la perte de liberté et d’indépendance était clairement annoncée et où il était demandé aux syndicats de se prononcer … Il faut rappeler que les têtes chercheuses de l’UFML avaient alors relié : Rapport de l’ENA, Rapport Cordier, Avenant 8, Loi Leroux, ANI, avaient annoncé ce qui allait se passer … et appelaient à mobilisation, sans relâche … Les syndicats, petit à petit découvraient l’étendue de la loi, certains plus vite que d’autres et, la FMF le Bloc et le SML montraient un engagement régulier pour le retrait de la loi au cours des années 2014 et 2015. Le Black Friday mouvement à l’initiative de l’UFML, porté par la base et notamment les coordinations entrainera le soutien des syndicats (du bout des lèvres pour certains). Premier mouvement véritablement unitaire au sens de sa représentation territoriale et du partage des actions entre coordinations, syndicats, professions médicales et paramédicales, il construisait la victoire au soir du 13 Novembre… Le drame, imprévisible, terrible, arriva…
L’UFML poursuivra le combat installera sa présence pendant les discussions à l’assemblée nationale et fera porter ses argumentaires par nombre de parlementaires jusqu’au conseil constitutionnel…
La loi est passée, pendant l’Etat d’urgence, “le grand soir” avait fait peur au législateur et au ministère : il fallait en finir…. Les dates d’élections aux URPS furent accélérées pour la médecine succédant dans un même mouvement à la procédure accélérée du vote de la loi…Il fallait occuper les représentants des médecins à autre chose que l’opposition, et, il faut bien reconnaître que nombre d’entre eux tombèrent dans le panneau … La lutte contre la loi passait dès lors au second plan… Dès après les élections où le camp du retrait de la loi marquait des points alors que le camp de l’aménagement en perdait, les discussions conventionnelles s’annonçaient, et, la lutte contre la loi de modernisation de la santé, dont le socle est la disparition du modèle libéral du soin et de la liberté et de l’indépendance des médecins, poursuivait sa traversée du désert …L’UFML, les Comelis, des syndicats paramédicaux et des coordinations poursuivaient néanmoins la lutte et appelaient à un nouveau grand mouvement…. Un nouveau grand soir…Nous y voilà, pourquoi faut-il y croire ? Parce que jamais conditions ne furent plus propices… Le modèle technocratique et centralisateur a, à force de réformes, brisé le système de santé mais il ne l’a pas remplacé… pas encore, il ne l’a pas tué…pas encore… Les déserts, conséquences de cette politique, se multiplient, les consciences s’éveillent, alors que le dessein et l’ambition du pouvoir se font plus clairs. La population ressent concrètement les impacts délétères des réformes et reçoit les messages…
Vient le temps des élections présidentielles, et de la concurrence entre les programmes. La santé, habituellement évacuée des discours, du fait du risque politique, peut, si nous le voulons, être au centre du débat. La balance bénéfice/risque, au regard de la population impactée, est en faveur de l’expression des propositions, la lutte portée depuis des années, attire le regard et l’intérêt des politiques. Les primaires à droite comme à gauche s’annoncent, et la concurrence en est consubstantielle. Enfin, nous savons tous que nous sommes à la fin d’une histoire et que deux logiques s’affrontent…Une logique centralisatrice étatique et technocratique construite sur la disparition des professions du soin indépendantes et leur assujettissement à l’état et au financeur et une logique qui vise à rompre avec ce modèle, à revoir sa gouvernance, son financement, à installer une vraie démocratie sanitaire et à reconstruire un modèle basé sur la confiance entre l’état et le terrain acteur. Nous n’obtiendrons que ce que nous irons chercher, et, si il est important de proposer, de rencontrer, de travailler auprès des politiques et de leurs relais en course pour la magistrature suprême, rien ne s’obtiendra sans la pression.
La santé, préoccupation numéro un des Français, doit être au centre du jeu politique. Les responsables politiques si rien n’est fait aujourd’hui seront comptables des drames sanitaires de demain et d’ici quelques mois, pourraient assister à une émergence des extrêmes encore plus forte dans les zones impactées par les déserts médicaux désormais vécus par les maires et les populations comme un abandon de la République…Cela nombre de politiques commencent à le comprendre, à le percevoir. Il nous appartient, tous ensemble quels qu’aient été nos parcours, nos luttes, nos fautes et nos victoires, de porter la santé au cœur du débat électoral par notre mobilisation et de faire naître ce nouvel avenir. Plus jamais ça ! Cette idée simple doit nous guider, parce qu’elle est multiple et s’applique à nos professions où que nous regardions, parce qu’elle nous touche personnellement et collectivement ! Plus jamais ça ! En novembre …on y retourne !
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