“Il faut que ce soit un système gagnant-gagnant”, pour les assurés et les médecins, a développé Mme Buzyn. “Il n’est pas possible que 15% des Français qui sont en-dessous du seuil de pauvreté renoncent à se faire soigner”
C’est par ces mots relayés dans un article du Figaro du 31 août 2017 qu’ Agnès Buzyn reprenait à son compte la nécessité d’imposer le tiers payant généralisé obligatoire défendu en son temps par Marisol Touraine.
Ainsi en 2014 cette dernière affirmait: « Beaucoup de nos concitoyens renoncent à se faire soigner pour des raisons financières. Cela peut concerner jusqu’à un Français sur trois », pour défendre sa réforme d’un tiers-payant généralisé. Ce chiffre exorbitant qui placerait le renoncement aux soins pour raisons financières en France à des sommets dépassant les chiffres américains se base sur une enquête purement déclarative réalisée sur une population de 29000 personnes interrogées lors de leur venue dans 18 CPAM sélectionnées.
Enquête relayée dans cet article de La Croix qui s’interroge sur la légitimité de cette estimation du renoncement aux soins pour raisons financières « Il faut prendre ce chiffre avec précaution. On ne peut pas dire qu’un quart de la population française est concerné par ce problème mais un quart des personnes s’étant déplacé dans les locaux de leur caisse », précise Jean-Yves Casano, directeur de la caisse primaire de la Somme. « On peut penser que ces assurés ont peut-être plus de problèmes que d’autres, notamment d’accès aux soins. Même si on reçoit aussi beaucoup de gens, très bien insérés, qui viennent régler juste un problème administratif », ajoute-il.
Qu’en est-il vraiment ? Si l’on reprend les chiffres de cette enquête de l’IRDES il apparaît que le renoncement aux soins pour raisons financières chez le médecin concerne moins de de 5 % des patients toutes spécialités confondues (1% chez le généraliste).
Le renoncement aux soins pour raisons financières concerne principalement les soins dentaires et optiques pour lesquels le remboursement majoritaire est assuré par les mutuelles.
Le principal vecteur de renoncement aux soins médicaux n’est pas d’ordre financier: 17 % des bénéficiaires majeurs de l’Assurance maladie déclarent avoir renoncé à au moins un soin au cours des douze derniers mois parce que le délai d’attente pour un rendez-vous était trop long, et 3 % parce que le cabinet était trop éloigné ou que les personnes avaient des difficultés de transports.
Selon les chiffres OCDE de 2014, le renoncement aux soins en France est inférieur à la moyenne européenne, voir le tableau ci-contre. A noter que 93% des français les plus pauvres ont vu leurs besoins médicaux satisfaits. Nous sommes donc loin de la situation préoccupante décrite à plusieurs reprises par Agnès Buzyn et Marisol Touraine pour affirmer la nécessité d’un tiers payant intégral comme solution au renoncement aux soins.
Maintenant qu’il a été démontré que le renoncement aux soins pour raisons financières ne concerne finalement que 5% des patients (chez lesquels il serait possible d’abaisser le plafond de l’attribution de la CMU ou supprimer les franchises médicale, mesures maintes fois proposées par l’UFML devenue syndicat et non reprises par les 2 derniers gouvernements), répondons maintenant à la question: les honoraires médicaux sont-ils trop élevés ?
Pour les médecins généralistes
Si on en croit cet article de France 5 le revenu moyen d’un médecin généraliste français est de 6800 euros mensuels nets ce qui le place dans la queue du peloton des généralistes européens:
Le constat est le même si on compare le revenu du médecin généraliste par rapport au revenu mensuel moyen de son pays d’exercice:
Et si on compare avec l’inflation on peut même affirmer qu’en 30 ans les honoraires du médecin généraliste ont quasiment stagné:
“En 1984, la consultation valait 75 francs. En euros constants, c’est-à-dire en prenant en compte l’inflation, le cours de la vie, cela équivaudrait aujourd’hui à 22 euros… Pas bien loin des 23 euros actuels. C’est-à-dire qu’en trente ans, la consultation a augmenté de 4,5% (à comparer à l’évolution des frais de mutuelles sur 30 ans qui eux s’alignent sur l’inflation et ne voient pas leurs tarifs bloqués par le gouvernement !). En appliquant le même calcul au SMIC horaire, on s’aperçoit que son évolution a été plus favorable : +36%.
En clair, il fallait en 1984 avoir travaillé 3,1 heures de SMIC pour payer une consultation, il ne faut plus aujourd’hui que 2,4 heures.”
Pour les autres spécialités médicales:
Là aussi si on en croit ce tableau comparatif réalisé par l’assureur April à destination de ses clients voyageant à l’étranger, on peut constater que le médecin spécialiste français présente la consultation médicale parmi les plus basses de l’OCDE.Quid des fameux dépassements d’honoraires ?
Ces «dépassements d’honoraires» seraient, selon le gouvernement, la cause principale des difficultés d’accès au soin. C’est une fausse croyance consécutive à la communication officielle qui renverse la responsabilité sur le professionnel de soin secteur 2 pour masquer le désengagement de l’Assurance maladie, totalement voulu et non assumé par le politique et l’État, en imposant des tarifs opposables obsolètes, non modifiés depuis plus de 20 ans pour beaucoup, permettant de moins en moins de faire une médecine de qualité et/ou obligeant ceux qui le peuvent à demander des compléments d’honoraires pour arriver à la valeur réelle de l’acte. Il est donc évident que le blocage des tarifs des actes, qui ne sont pas corrélés à l’augmentation du coût de la vie, constitue de fait une volonté de déremboursement larvé et relève bien d’une décision politique claire, qui depuis longtemps donc, a choisi de privatiser le système de soin et de désengager l’Assurance maladie.
A noter que sur 554 médecins rappelés à l’ordre en 2014 pour des honoraires complémentaires ne respectant pas le tact et la mesure, seuls 4 médecins avaient été sanctionnés. Ce chiffre est à comparer au nombre de médecins exerçant en secteur 2 à savoir 23401 en 2015 selon la CARMF .
On peut de plus confirmer la légitimité des médecins contrôlés qui ayant pu justifier le montant de leurs honoraires, tout en démontrant qu’ils respectaient, de plus, le tact et la mesure en modulant leurs honoraires et en ne refusant jamais les CMU ou les patients en difficultés financières.
Chiffres-clés:
*5% de renoncement aux soins pour raisons financières (1% pour les soins du généraliste)
*17% de renoncement aux soins en raison des délais pour obtenir un rendez-vous
*en 30 ans le C a augmenté de 4,5%, le SMIC de 36%
*moins de 1% des médecins en secteur 2 pratiqueraient des honoraires excessifs avec 4 condamnations en 2014
Dr Franck Chaumeil