Je suis Chantal et j’ai 37 ans. Il y a presque 19 ans je rencontrais un jeune homme sur les bancs de la fac. Nous étions en première année de médecine.
Un mariage, 2 enfants et une installation en médecine générale plus tard, je témoigne de ma condition d’épouse de médecin.
Je peux dire ce que l’on entend partout, ce n’est pas facile d’être marié à un médecin entre ses horaires, ses difficultés à prendre des vacances, cette impression année après année de gérer seule le quotidien d’une vie de famille entre mon propre travail (pas dans la médecine), mes enfants, ma maison…..expliquer aux enfants que papa rentre tard car il a encore du travail ou qu’il est de garde ; mais ça, finalement, c’est le quotidien de beaucoup de femmes ou d’hommes dont le conjoint a une profession très envahissante.
Il n’y a pas que les conjoints de médecins qui vivent et gèrent ce quotidien seul. Pour moi, ce qui a peut-être le plus d’impact sur moi dans le travail de mon mari c’est ce qu’il me raconte le soir en rentrant quand on se retrouve pour notre petit apéro et où l’on se raconte notre journée : en général c’est moi qui commence en racontant la journée des enfants, l’école, la nounou… puis je parle un peu de mon travail, d’un dossier qui m’enquiquine, d’un collègue qui m’a raconté ceci ou cela… bref des petites choses.
Puis c’est mon mari qui me raconte sa journée et là c’est tout de suite moins léger comme sujet. Pas tous les jours mais souvent il me raconte l’accident, l’infarctus, l’OAP, la dépression, la tentative de suicide, la dépendaison d’un suicidé la énième fausse-couche de sa patiente qui aimerait tant avoir un bébé, la découverte d’une malformation d’un fœtus ou à la naissance d’un enfant d’une de ses patientes, l’annonce d’un cancer, d’une leucémie… et moi toujours : et comment prend t il/elle la nouvelle ? Combien de temps lui reste t-il à vivre ??? Est ce des questions que beaucoup de gens posent le soir à l’apéro régulièrement ? Bien sûr, ce n’est pas tous les jours mais c’est suffisamment régulièrement pour que tout ceci me tracasse en imaginant souvent que c’est à nous qu’un jour cela va arriver !!! et de temps en temps je trouve ça fatiguant d’être confrontée à tous ces malheurs alors que je ne suis pas médecin, que je n’ai pas forcément été préparée à écouter tout cela.
Pourtant je suis fille d’un médecin anesthésiste et d’une pharmacienne, donc j’ai toujours vécu au milieu de médecins .
Mais je sais qu’il a besoin de raconter pour évacuer toute cette tension et repartir le lendemain soigner ses patients.
Donc j’écoute…