Bye bye la convention !

Ce  texte  a  été  écrit  en  2016  pour  le  SNOF

“Je l’ai dit et annoncé à mes patients : au 1er janvier 2017 j’exercerai hors convention.

 

Chacun de mes patients reçoit en même temps que sa feuille de soins papier un petit texte explicatif :

“A partir du 1er janvier 2017 j’exercerai hors convention et ce jusqu’à ma retraite sans successeur qui interviendra vers 2019-2020.

Les conséquences pour vous patients : la consultation sera plus chère 50-60€ (ou plus en cas de consultation longue et complexe) et ne sera quasiment pas prise en charge par la sécurité sociale et la plupart des “mutuelles”. ( renseignez vous pour savoir si votre mutuelle prend en charge les honoraires non conventionnés /ex de l’ostéopathe).

Ce choix a été mûrement réfléchi et je comprends qu’il ne vous convienne pas. Il vous sera donc proposé de reprendre votre dossier qui vous appartient afin de vous faciliter l’accès à un autre ophtalmologiste conventionné. Ce ne sera pas chose facile et un courrier de votre médecin traitant vous aidera peut-être plus facilement à obtenir un rendez-vous qu’il faudra (hors urgence) prévoir à l’avance.

Quel que soit votre choix je vous remercie de la confiance que vous avez placée en moi pendant toutes ces années.”

Pourquoi se déconventionner ?

-Pour l’argent ?

On va dire que oui

Une consultation de spécialiste (=CS) à 28 € (la moyenne européenne est à 46€  pour un médecin généraliste) c’est juste  pas possible. On est à la limite de l’insulte.

L’insulte parlons-en d’ailleurs : en 1995 la valeur de la CS  était à 22.5€ (=150F)

Elle est passée vers 2003 à 23€ puis furent ajoutés vers 2005 les cotations MCS MPC  (ou MCJ pour les enfants) qui permettait d’atteindre 28€. Depuis ça n’a plus bougé !

Certains me diront qu’il y a d’autres honoraires :

la ROSP ? : Je l’ai refusé (il est faible  pour les ophtalmologistes) parce que je n’accepte pas une rémunération conditionnée à mon obéissance à des critères purement administratifs, non médicaux.

Les actes techniques ? : Oui bien sûr mais c’est insuffisant.

Par contre  le cout de la vie a augmenté, le salaire de ma secrétaire, de mon orthoptiste, de ma femme de ménage a été réévalué conformément à la loi, mon loyer, le prix de la télétransmission a augmenté (en 3 ans 10€/mois supplémentaires) toutes mes charges ont augmenté.

La seule chose qui a diminué c’est mon bénéfice net et par conséquent  mes impôts. (Défiscalisation automatique  )

-parce que la confiance a été rompue :

En 1987 il nous fut proposé à nous médecins secteur 1 de passer en secteur 2 : à cette époque j’ai refusé parce que mes patients agriculteurs avaient des retraites fort modestes et surtout parce qu’on nous proposait la possibilité de revenir sur ce (non) choix. L’accès au secteur 2 a été définitivement fermé.

-parce que 30 ans de « social » je pense que c’est suffisant,  surtout quand on nous désigne  dans tous les médias comme nantis.

-La loi dite de modernisation de la santé a été la goutte d’eau : votée en plein état d’urgence alors que les médecins avaient suspendu leur grève.

Modalités de l’exercice hors convention

 je ne reprendrai pas l’article et le pdf de l’UFML et de la FMF je me permettrai juste une simplification :

Ce que la sortie de la convention implique pour le médecin :

-Tout médecin peut sortir de la convention à condition d’en aviser la CPAM par lettre R/AR 1 mois avant ce passage en S3. Une copie au conseil de l’Ordre est souhaitable.

Le retour en S1 est possible mais pas le retour S2

-Le médecin fixe librement ses tarifs avec tact et mesure et les affiche en salle d’attente

-Affiliation au RSI

-Cotisations CARMF  diminuées de l’ASV

-Cotisations URSSAF (maladie allocations familiales CSG CRDS CFP) et contrairement aux médecins conventionnés  pas de prise en charge d’une part des cotisations par la CPAM.

-Pas de cotisations aux URPS

-Pas d’obligation de télétransmission, pas de ROSP.

Ce que le S3 implique pour le patient :

Pour les actes <120€  prise en charge 1.22€ chez un spécialiste

Prise en charge au tarif CCAM >120€ =16% du tarif S1

Mais les actes et frais encourus auprès de praticiens et établissements conventionnés sont pris en charge sur la base des tarifs conventionnels : donc   ce qui est prescrit : lunettes, traitements, orthoptie sont pris en charge.

Ce que l’exercice S3 implique sur les charges   

-Affiliation au RSI apparemment incontournable

-neutre sur la RCP

-Cotisations CARMF  mais sans ASV et ADR

-URSSAF comme pour le S2  aucun abattement ou prise en charge. Les cotisations sont calculées sur les revenus professionnels aux taux suivants

  • -5.4% pour les allocations familiales
  • 5% pour CSG et 0.50% pour CRDS.
  • -CFP =94€(2015)
  • dispense de cotisations aux URPS (190€ en 2015)

En conclusion 

(et en caricaturant un peu)

La sortie de la convention semble plus simple pour un ophtalmologiste isolé secteur 1 médical proche de la retraite.

C’est une décision  très risquée et à mon avis déconseillée pour un jeune ophtalmologiste chirurgien citadin déjà S2.

Elle impacte gravement notre contact avec les patients, qui, rappelons-le, sont prélevés sur leurs gains pour avoir accès au système de soins. Comme le demande l’UFML, dans son new deal  il serait normal et juste que les patients qui cotisent soient pris en charge sur la base d’un socle commun quel que soit le secteur du médecin consulté. Les « mutuelles » y perdraient  sans doute, mais ça nous libérerait  peut –être du temps de cerveau disponible pour ne pas supporter leurs publicités.

La moitié de mes patients reprend son dossier et part à la recherche d’un autre ophtalmologiste. Le quart souhaite continuer avec moi et le dernier quart hésite encore.

A titre personnel je vois cette sortie de la convention à la fois comme un échec et comme une bouffée d’air pur.

Echec de mon engagement  moral social et politique, culpabilité …

Pendant nos études certains de nos maitres nous ont enseigné le dévouement, l’empathie, l’écoute, la peur de « passer à côté » du truc grave par fatigue, flemme, ou salle d’attente pleine.

Là sera la bouffée d’air pur : sortie d’un étouffement,  sortir de cette culpabilité, de cette constante dévalorisation à mes propres yeux  (si mes honoraires sont minables c’est parce que je ne vaux pas plus,  même si je fais de mon mieux ?) prendre le temps nécessaire à chacun, l’écouter…parce que l’ophtalmologie ce n’est pas que des lunettes.

Je souhaite arriver vivante à ma retraite. Je ne reviendrai pas sur ma décision. ”

Docteur Paule-Annick Ben Kemoun

VP  UFML-S

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