Lettre envoyée à la CPAM par un ophtalmologiste de l’Herault suite aux récentes modifications des cotations d’actes en ophtalmologie :
Madame,
J’ai bien pris note du courrier que vous avez adressé le 31 Juillet 2018 relatif à la cotation de l’acte BZKQ001, modifié par décision du 23 Avril 2018, et qui fait baisser la cotation de l’OCT bilatéral de 33 % environ.
Je me permets donc dans le même temps de vous faire part de mon mécontentement, cette décision s’ajoutant à de nombreuses modifications dans la facturation des actes, qui vont dans le sens d’une moindre rémunération des actes conventionnels, en particulier pour les médecins en secteur 1 , et ce malgré une non réévaluation de ces actes pour certains depuis plus de 25 ans !
En tant que médecin en secteur 2, j’ai la possibilité de maintenir ma cotation mais dans ce cas cela entraîne un moindre remboursement pour le patient, ou une prise en charge plus importante par les assurances complémentaires, et cela objective parfaitement le fait d’un désengagement de vos services soit au détriment du patient lui-même, soit au détriment du médecin, soit au détriment des organismes complémentaires.
Bien entendu il est facile de confronter les revenus des médecins libéraux spécialistes aux difficultés financières auxquelles peuvent être exposés les patients et plus généralement la population, mais il n’en reste pas moins que cette tendance à demander toujours plus d’activités en diminuant les cotations (ce qui ressemble furieusement à une ubérisation des professions médicales en général, ou l’acteur de santé, propriétaire du matériel et devant assurer l’ensemble des charges de ses personnels et toutes les charges associées n’est pas maître de la rémunération, et donc de son chiffre d’affaires), entraine une situation de contrainte où on demande de toujours plus travailler pour gagner moins.
Les conséquences de cette politique d’ubérisation des professionnels de santé, commencent déjà à faire ressentir ses effets par un départ anticipé à la retraite de gens de ma génération, et je ne vous cache pas que tout ceci participe grandement à ma propre réflexion sur un départ anticipé avant même les 65 ans.
Par ailleurs, il ne faut pas s’étonner des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui à pouvoir renouveler le corps médical, et je ne vois pas comment vous pourriez plus attirer les jeunes médecins dans les déserts médicaux avec ce genre de décision, car croyez le bien les jeunes générations sont beaucoup plus attentives à ces considérations financières et de rémunération que nous ne l’étions à leur âge.
Il ne vous reste plus qu’à baisser les cotations pour la cataracte, comme cela vous n’aurez plus de chirurgiens de la cataracte, baisser les cotations de la prothèse de hanche, comme cela vous n’aurez plus de chirurgiens pour opérer les hanches, et tout à l’avenant.
Je sais que vos services s’attachent à mettre en avant et privilégier des acteurs de santé moins bien formés et donc moins bien rémunérés, mais ce système déflationniste sur le plan financier mais aussi de la qualité ne va pas tarder à atteindre ses limites et vous en serez redevable à la population. Les sages femmes commencent à s’en rendre compte !
Ce système pervers n’a que pour avantage de permettre aux dirigeants de votre entreprise appelée sécurité sociale, et aux hommes ou aux femmes politiques de présenter des chiffres, dont plus personne aujourd’hui ne croit en l’exactitude.
Après maintenant trente sept ans de médecine dont trente et un en libéral, je suis complètement désabusé par ce genre de décision, et envisage à court terme ma cessation d’activité avec la plus grande sérénité. Les patients se réjouissent déjà de se savoir suivis et traités par le système dont vous êtes les responsables réels.
J’en profite pour rajouter que nous acceptions bon gré mal gré la non ré-évaluation des cotations que ce soit pour l’OCT, et beaucoup d’actes chirurgicaux, ou d’actes d’examen en cabinet, mais qu’une baisse de cotation est particulièrement difficile à encaisser sur un plan moral.
J’espère que vos revenus seront maintenus pour vous même et qu’ils ne seront pas diminués de 33 % en raison du besoin d’économie par la sécurité sociale mais ce serait généreux de la part des personnes travaillant en particulier dans la haute administration de faire le même geste et là je ne vous cache pas que nous ne pourrions plus rien dire, mais je crois que cela ne sera pas demain la veille. Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais n’est ce pas !
Je vous souhaite d’être en bonne santé le plus longtemps possible et de ne pas subir dans l’avenir les vicissitudes que ne manqueront pas et que ne manquent déjà pas d’entraîner votre politique.
Dr X
PS : Ce matin la clinique nous a transmis la décision (l’oukase?) du ministère, relative à la cotation BELB001* associée à l’intervention de la cataracte. Cela rejoint le sens du texte ci dessus concernant la baisse des rémunérations des actes, des GHS des cliniques etc, en opposition évidente avec l’augmentation de la qualité des actes que nous pratiquons.
Seuls les salariés de nos systèmes de gestion paraissent à l’abri de ces ajustements, faits paraît-il dans l’intérêt des deniers publics.
A quand l’opération de la cataracte non rémunérée? Ou un seul oeil payé ? Allez, un effort Madame, on y est presque ! Demain vous allez raser gratis !
PS 2: cette lettre s’adresse aux services dont vous faîtes partie, pas à la personne elle-même évidemment
réaction d’UFML -S :
Non contentes de la stagnation de la valeur de la consultation pendant près de 20 ans et toujours au niveau le plus bas de la moyenne européenne, les tutelles se lancent dans les baisses de cotation.
Deux exemples en ophtalmologie
- La baisse de cotation de l’OCT, acte incontournable dans de nombreuses pathologies ophtalmologiques : l’OCT était coté à taux plein pour le 1er œil et à moitié pour le 2ème. Depuis mi juillet est admise la cotation d’un seul œil. Nous remarquons que cette décision a une fois que la plupart des ophtalmologistes se sont équipés de ce matériel coûteux.
- La suppression de cotation de l’injection intra camérulaire d’antibiotiques en fin d’intervention de cataracte. (c’est l’acte BELB001 du post scriptum )
Un exemple en radiologie : le piège de l’article 99 qui entraîne une baisse unilatérale des tarifs des radiologues, et l’apparition d’IRM low cost
Alors puisqu’on nous répète qu’il faut faire des économies, puisque nous sommes enfermés dans l’ONDAM, posons les mêmes questions que cet ophtalmologiste et demandons que soient diminués de 33% les salaires des fonctionnaires de l’administration et des cadres directeurs de la Sécurité Sociale et des ARS.
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