A tous ,
Cette journée de mobilisation est un grand succès, les médecins étaient dans la rue contre la loi santé. Une Loi dont ils ne veulent pas car écrite sans eux, voire même contre eux, qui n’apporte pas de solutions aux vrais problèmes des patients et passe sous silence le rôle accru des financiers.
Une loi scélérate donc puisqu’elle dissimule ses véritables enjeux, étatiser la santé pour en imposer les règles aux professionnels comme aux patients et offrir le marché aux financiers.
Nous UFML, avons fait le job et ne sommes certes pas étrangers à l’ampleur de la manifestation par le travail de fond d’information et mobilisation des confrères, des patients, de la presse, un travail dans lequel chaque adhérent s’est engagé, c’est donc VOTRE succès. Le raz de marée des tee-shirts No Nego en est la preuve, le résultat est là.
Au-delà de l’habituelle guerre des chiffres, cette journée restera comme celle d’une monumentale gifle pour madame Touraine et ses méthodes .
Mais il faudra bien davantage qu’une manifestation face au sectarisme et dogmatisme ambiants.
Les premières déclarations du ministère confirment une ligne dure, pas une virgule ne sera changée dans la Loi, malgré les “groupes de travail “, malgré les promesses, malgré le matraquage médiatique quant aux garanties sur le TPG, malgré le soutien politique.
Le TPG a cristallisé l’attention de nombre de professionnels et observateurs. Et si l’UFML le dénonce depuis le début, c’est bien en raison des risques d’assujettissement aux financiers et non de ses difficultés techniques.
Mais le danger de la Loi Santé n’est pas dans les modalités du règlement, pas plus que dans l’étiquetage du cassoulet ou les salles de shoot .
Le danger est dans l’article 1.
L’article 1 crée le Droit à la Santé et de fait, tout ce qui y est inscrit devient légalement opposable.
Manifestement, nombreux sont encore ceux qui n’ont pas intégré cet élément fondamental qui, à lui seul, explique et justifie le No Nego.
Cette Loi place l’organisation des soins, les pratiques médicales individuelles et collectives, les contrôles de ces pratiques aussi bien que des tarifs en dehors du cadre conventionnel car la Loi prime sur la convention. En donnant aux ARS et aux financiers les pleins pouvoirs, la volonté du législateur prend le pas sur celle du professionnel, lequel devient un simple exécutant. Il n’y a plus d’espace de négociation conventionnelle, il n’y a plus que la Loi.
C’est pourtant écrit en toutes lettres et il est quand même extraordinaire de voir certains syndicats croire encore en l’avènement d’une médecine anoblie par des titres ronflants fussent-ils universitaires, alors que tout est prêt pour faire des médecins généralistes des effecteurs de soins de première recours en MSP aux subventionnements aléatoires tandis que spécialistes cliniciens et des PTL iront compléter les plannings de consultations et les programmes de bloc des hôpitaux ou des centres de santé au gré des lubies des ARS et des quotas territoriaux.
Même le déconventionnement n’aurait plus de sens dans ce cadre légal : conventionné ou pas, si le tiers payant est légal, ne pas le faire sera ILLÉGAL. Si la contractualisation avec les complémentaires est nécessaire pour s’installer ici ou là, s’en affranchir sera illégal.
Cette Loi est une rupture conventionnelle de facto, ne la voir que comme un nouveau cadre aménageable par des négociations parcellaires est une erreur stratégique lourde de conséquences et les responsables devront en rendre comptes devant la profession. Si cette loi passe en l’état ou retouchée à la marge et tout laisse penser que ce sera le cas, il faudra soit se résigner à bosser pour les complémentaires sous la baguette des ARS, soit à exercer dans l’illégalité pour défendre nos valeurs déontologiques, affirmer notre indépendance professionnelle et défendre la santé de nos patients.
Il faut agir maintenant et vite.
A ce jour, la loi n’est pas passée, la convention organise toujours nos relations avec l’assurance maladie.
Nous devons tous être convaincus que notre survie est en jeu à très court terme et être prêts à engager des actions fortes : déconventionnement massif ou désobéissance conventionnelle et dans des délais très courts, cessation illimitée d’activité, blocage des établissements.
Le système est en fin de course, son agonie est lente et douloureuse. Le fossé entre soignants et politiques s’est dangereusement creusé, nous n’avons plus d’éléments de langage communs, nous ne parlons pas de la même chose lorsque nous parlons de santé, soin, patient, risque . La sémantique a rendu nos mondes étrangers l’un à l’autre.
Aujourd’hui, le pouvoir choisit la coercition comme mode de communication au prétexte que nous ne serions pas capables de modérer notre déontologie au profit d’ enjeux économiques et financiers. C’est vrai : nous ne savons pas le faire, nous ne le pouvons pas, nous ne le voulons pas.
Nous ne pouvons non plus ignorer les changements de comportement de nos concitoyens qui parfois “consomment” du soin, ainsi que le système en place les y encourage, tandis que les gabegies bureaucratiques alourdissent encore la note (DMP, Sophia …).
Aussi, cette mobilisation historique doit-elle impérativement nous conduire à repenser la place de la profession dans la société, un débat devra être mené sur des questions simples mais fondamentales : quelle est la place du médecin dans notre société, qu’est-ce qu’un acte médical, comment le rémunérer ? Problématiques déclinables dans chacune des professions du soin.
Ces questions doivent être au cœur d’Etats Généraux de la santé que l’UFML réclame depuis maintenant 2 ans car nous savons que la crise de notre système de santé ne sera réglée ni en écrasant la profession sous la botte technocratique, ni en enfermant les patients dans une logique consumériste et mercantile du soin.
Aujourd’hui, tout commence.