Par Marion Ribeyre , Orthophoniste, Secrétaire adjointe UFML et François Ranndazzo, Kinésithérapeute, Vice président UFML
Le 19 juillet, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi ratifiant l’Ordonnance n°2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et transposant en droit français la directive européenne 2013/55/UE adoptée en 2013 par le Parlement européen.
Nous déplorons que le gouvernement ait jugé opportun de déclencher fin juin une procédure accélérée, afin que le texte passe durant l’été, et cela, malgré les oppositions constantes et maintes fois rappelées du Haut Conseil des Professions Paramédicales, des ordres professionnels, des syndicats et de l’ensemble des soignants concernés.
Nous le déplorons d’autant plus, qu’après cinq années pendant lesquelles le ministère a fait preuve d’un mépris total à l’encontre des professionnels de santé, nous espérions pouvoir renouer avec le gouvernement une relation basée sur la confiance et le dialogue.
Mme la Ministre, Agnès Buzyn, a indiqué qu’elle disposait de peu de marge de manœuvre, la France ayant déjà été rappelée à l’ordre pour son retard dans la transposition de la directive; nous souhaitons souligner que jusqu’ici les autres pays dans le même cas n’ont pas fait l’objet d’une procédure.
Par ailleurs il était possible de transposer la directive en excluant certaines professions pour lesquelles son application contreviendrait à l’intérêt général. L’Allemagne a décidé d’exclure les professions de santé du champ d’application du texte avec une interdiction a priori, comme la directive l’autorise. Nous n’avons pas connaissance, là encore, d’une procédure à son encontre pour refus de transposition des directives européennes.
Nous le rappelons, les dispositions prises pour accorder l’accès partiel à l’exercice des professions de santé représentent : un danger pour les patients car la qualité des soins ne peut qu’être altérée par le morcellement des compétences (formation différente et souvent insuffisante des professionnels formés ailleurs, absence d’approche holistique possible notamment) et une injustice terrible pour les soignants formés en France qui se sont heurtés à une sélection drastique, souvent investis dans des cursus exigeants et longs (qu’on ne leur impose pas par plaisir mais bien pour garantir la dispensation de soins de qualité), et qui se verront concurrencés de manière déloyale par des professionnels au cursus tout à fait différent.
Les professionnels de Santé s’inquiètent de l’ubérisation galopante et de la marchandisation de notre système de santé.
Nous demandons à Mme la Ministre de prendre la mesure des conséquences de la transposition de ce texte. Le gouvernement qui fait de l’accès au soin son cheval de bataille va permettre, par le biais de ce texte, l’avènement d’un casse-tête pour le patient qui va se retrouver, pour un problème donné, face à une multitude de professionnels avec des compétences hétéroclites.
Ce texte n’est porteur d’aucune amélioration pour notre système de notre système de santé. Est-ce le rôle du gouvernement français de se plier sans ciller aux exigences de Bruxelles ou bien l’intérêt des Français doit-il primer ?
Nous espérons qu’un sursaut de responsabilité va s’emparer de notre ministre et de ses conseillers et que des mesures fortes vont être prises pour sortir les professions de santé du champ d’application de cette transposition. Dans un premier temps, nous allons lancer une campagne d’affichage dans nos cabinets pour expliquer à nos patients comment le gouvernement brade l’excellence de notre système de santé, alors que rien ne l’y obligeait.
Dans l’intérêt de notre système de santé et celui de nos patients, nous nous réservons la possibilité de lancer un mouvement de contestation si le texte devait rester sous sa forme actuelle.
Références :
Tags: directive européenne 2013/55/UE Ordonnance n°2017-50 du 19 janvier 2017 ubérisation marchandisation du système de santé.