”Depuis fin octobre 2017 et l’interview d’Agnès Buzyn dans le JDD évoquant le fait que 30% des dépenses de santé seraient non pertinentes, les médias se sont fait largement l’ écho de ce chiffre de 30%, qualifiant tantôt les dépenses de santé, tantôt les actes médicaux, entretenant la confusion entre actes et dépenses et entre inutilité (voire dangerosité) et non pertinence des soins, avec comme coupables désignés une fois de plus des dérapages des dépenses de santé les médecins prescripteurs.
Sur quels études reposent ce nombre de 30% de dépenses non pertinentes ? Peut-on qualifier 30% des actes médicaux d’inutiles ?
Exprimez-vous en répondant au sondage en bas de cette page.
30% d’actes inutiles ?
Comme le dit Jérôme Marty dans un extrait du débat dans lequel il intervenait sur BFM sur le plan Buzyn le 23/10/17, le concept d’actes non pertinents a été étudié en détail dans un rapport de l’ Académie de Médecine publié en mars 2013.
“La pertinence des stratégies médicales s’insère dans le contexte général de la pertinence des soins qui inclut d’autres paramètres échappant aux seules responsabilités médicales. Elle est la base de la médecine sobre qui dans une approche humaniste soigne mieux au moindre coût.”
Si ce rapport pointe à juste titre un certain nombre de dérives (bilans de santé, dépistages de masse, examens biologiques, chirurgie, imagerie médicale, thérapeutique médicamenteuses) et propose plusieurs pistes pertinentes d’améliorations, il ne chiffre pas le pourcentage d’actes jugés non pertinents ni les dépenses qui en découlent.
Il faut revenir en 2012 pour trouver la source de l’affirmation selon laquelle 30% des actes médicaux seraient inutiles, affirmation qui repose non sur une étude mais sur un sondage réalisé par la Fédération Hospitalière de France sur un échantillon de 800 médecins (400 libéraux et 400 hospitaliers). Ce sondage a été là aussi largement relayé par la presse et présenté comme une étude alors que l’on peut s’interroger sur la méthodologie employée.
En effet si on regarde les chiffres de l’ Ordre National des Médecins, on estime la population de médecins inscrits à l’Ordre à 290000 environ en 2017, ce qui, pour avoir un échantillon représentatif de la population médicale nécessite de réaliser une étude sur environ 2400 médecins (soit le triple de l’échantillon utilisé pour le sondage de la FHF).
La formulation de la principale question de l’enquête d’opinion étant là aussi sujette à caution:
A quoi correspond un acte “pleinement justifié” ? Y a t’il un seuil à partir duquel un acte est justifié ? Qui le fixe ? Le prescripteur ? A partir de quelles données ? Son ressenti ? Les recommandations des sociétés savantes ? L’evidence based medecine ? Un acte réalisé et qui s’avère normal mais a permis d’éliminer plusieurs diagnostics peut-il être considéré comme non justifié à postériori ? A aucun moment le sondage ne répond à ces questions qui sont pourtant légitimes pour lui apporter de la crédibilité et une valeur statistique permettant de le qualifier d’étude.
FHF_Enquête+Pertinence+des+actes
On peut donc conclure qu’il existe effectivement un certain nombre d’actes non pertinents mais il faudrait une étude beaucoup plus rigoureuse, conduite par des médecins experts dans chacun de leur domaines de compétence et avec un échantillon réellement représentatif de la population médicale pour pouvoir avoir une idée de la réalité des faits avant de les communiquer au grand public afin de ne pas remettre en cause la confiance que les français placent dans le corps médical.
30% des dépenses de santé inutiles alors ?
Le point de vue de l’ UFML- dans cette article BFM/RMC:
“30%, cela ne me choque pas”, confirme pourtant pour L’Express Agnès Couffinhal, économiste à l’OCDE et auteure principale d’une étude parue en 2017 sur le gaspillage dans les systèmes de santé. En moyenne, dans les pays développés, l’OCDE estime qu'”un cinquième des dépenses de santé pourrait être utilisé à de meilleures fins”.
Si l’on en croit cette étude il s’agit donc plutôt de 20% (comparable à la moyenne des pays de l’OCDE) d’actes non pertinents (et non pas 30% d’actes inutiles comme l’affirme la FHF). Le tableau suivi issu de cette étude liste 3 sources de gaspillage à l’origine de ces dépenses évitables: Il nous apparaît donc trompeur voire dangereux d’agglomérer dans ce pourcentage de dépenses non pertinentes des dépenses qui ne sont pas liées directement aux prescripteurs (gaspillage administratif, fraude, abus, corruption, dysfonctionnements de l’organisation hospitalière, politique du générique et autres).
En conclusion, on constate déjà qu’en quelques semaines le ministère a modifié ses chiffres et parle maintenant de 25% de dépenses non pertinentes se rapprochant ainsi de la moyenne OCDE de 20%. Ce chiffe de 25% d’économie sur les 195 milliards d’Euros pour l’ONDAM 2018 représenterait une manne de 48,5 milliards or le ministère annonce une économie de 575 millions grâce à la chasse aux actes non pertinents !
De plus le fait que le pourcentage de dépenses non justifiées en France soit comparable à celui des autres pays de l’OCDE signe l’échec des politiques publiques et de l’inflation des agences de contrôle et strates administratives mises en place pour diminuer un “gaspillage” qu’elles contribuent finalement à augmenter (50 milliards par ans pourraient être économisés en diminuant le nombre de ces agences)
Dr Franck Chaumeil
- il n’y a pas encore d’étude statistiquement bien réalisée quantifiant le pourcentage d’actes non justifiés
- on estime à 20% au sein des pays de l’OCDE le pourcentage des dépenses de santé non pertinentes
- on ne peut parler de 30% d’actes inutiles ou non pertinents dans la mesure où l’on mélange dans ce pourcentage des actes et des dépenses dont certains gaspillages ne sont pas liés aux actes prescrits
UFML-S vous donne la parole:
indiquez-nous le pourcentage de vos actes que vous jugez non pertinents en cliquant ici